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Une irrépressible et coupable passion

Une irrépressible et coupable passion

Titel: Une irrépressible et coupable passion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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pouvoir darder des regards incendiaires sur Ruth. Étaient aussi
initialement présents dans l’assistance les employeurs de Judd, Alfred Benjamin
et Charles Johnes, ainsi que quelques-uns de leurs employés, des acheteurs de lingerie
de Manhattan, des membres de la loge de l’Elks Club d’East Orange et des amis
du Club des représentants en gaines de l’Empire State, plus Haddon Jones et
Harry Platt, cités comme témoins par l’accusation. Isabel, Jane et
Mrs Kallenbach étaient demeurées dans le Connecticut.
    Manquait aussi à l’appel Mrs Josephine Brown, qui avait
choisi de rester à la maison avec sa petite-fille. Mais les familiers de Ruth
étaient derrière elle dans la salle d’audience : Kitty Kaufman, Harry
Folsom – toujours ami avec les deux accusés – et Ethel, la fragile
cousine tuberculeuse de Ruth, dont le divorce avec l’agent Ed Pierson venait
d’être prononcé par la Cour suprême du Bronx. Ni Kitty, ni Harry, ni Ethel ne
devaient témoigner, car tant l’accusation que la défense cherchaient à
présenter un récit clair, dénué des complications et des contradictions
déconcertantes de la vie réelle.
    Ruth n’avait plus rien d’une sylphide. Si certains
journalistes évoquaient encore sa beauté et ses galbes, d’autres exagéraient sa
banalité, car elle avait pris du poids sous l’effet de l’inactivité carcérale,
elle n’était pas passée par un coiffeur depuis un mois et elle en était réduite
à se manucurer les ongles avec des allumettes. En ce premier jour de procès,
elle portait du Shalimar et l’élégant ensemble noir qu’elle avait acheté
à Bloomingdale la veille de la mort d’Albert : escarpins vernis, bas fins
et robe en soie noire Jeanne Lanvin, ainsi que son chapelet à grains de jais
orné d’un crucifix en argent, qu’elle arborait comme un collier. Le père George
Murphy avait préféré s’abstenir de la détromper et, chaque matin, lorsque Ruth
pénétrait dans la salle d’audience, il lui adressait un clin d’œil ou levait le
pouce dans sa direction pour lui remonter le moral.
    En raison du risque de désordre et de chahut dans le
tribunal bondé, l’entrée était libre pour les policiers qui n’étaient pas en
service, parmi lesquels bon nombre étaient encore en bons termes avec
« Tommy » et certains ivres avant la mi-journée. Et il devait aussi y
avoir au moins quelques pervers qui croyaient savoir ce qu’ils désiraient, car
la dominatrice emprisonnée reçut cent soixante-quatre demandes en mariage.
    Mais c’était souvent sur les centaines de célébrités
assistant aux débats que se concentrait l’attention. Les places étaient chères
et, en règle générale, seules les personnalités connues ou bien introduites
parvenaient à entrer. Le onzième marquis de Queensberry, en jaquette et
guêtres, ainsi que son épouse Cathleen, étaient des habitués. Le compositeur
Irving Berlin était là lui aussi et il fut désolé de découvrir que Ruth et Judd
s’étaient approprié sa chanson Always. Le cinéaste américain D. W.
Griffith, réalisateur de plus de cinq cents films muets, dont Intolérance et La Bataille des sexes, venait en limousine de sa demeure de Long
Island, convaincu que ce procès recelait en puissance un mélodrame
palpitant – tout comme l’était David Belasco, propriétaire de théâtre et
producteur qui, en tant qu’« évêque de Broadway » autoproclamé,
s’affichait en soutane et voyait en Ruth « une passionnée et une
incomprise, loin d’être aussi mauvaise qu’on le dit ». Le Telegram engagea Will Durant, l’auteur de L’Histoire de la philosophie, succès de
librairie inattendu, afin qu’il livrât son opinion, car, contre toute attente,
son livre était l’un des préférés de Ruth. L ’Evening Graphic riposta
malicieusement en opposant à Durant l’humour narquois du comique Jimmy Durante.
L’actrice et dramaturge Mae West – tout juste libérée après dix jours en
prison pour indécence à cause de Sex, sa farce osée qui avait été
interdite à Broadway – fut, elle, recrutée comme commentatrice de
l’affaire Snyder-Gray par la National Police Gazette. La nouvelliste
Fannie Hurst fut également embauchée pour la durée du procès, de même que
Maurine Dallas Watkins, auteur de la pièce Chicago, sur deux
« pépées très jazz » coupables de meurtre. Watkins était accompagnée
par la comédienne Francine Larrimore qui avait créé le personnage

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