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Une tombe en Toscane

Une tombe en Toscane

Titel: Une tombe en Toscane Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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thé, en promettant de lui montrer le puits sinistre, où l'un de ses ancêtres avait laissé croupir dans l'eau jusqu'à mi-corps son épouse infidèle, pendant plusieurs années.
     
    Il en profita pour demander l'adresse du marbrier Benedetti, dans le cas où il existerait encore. La comtesse secoua la tête avec une moue de reproche, ce qui mit en danger la grise architecture capillaire faite de bouclettes et de torsades qui lui tenait lieu de coiffure.
     
    - À Sienne, tout est éternel, dit-elle, les familles et les métiers. Alfonso Benedetti ne travaille peut-être plus le marbre avec la volupté qu'y mettait son grand-père Armando, mais c'est un artiste tout de même. C'est un de ses ancêtres qui tailla dans un énorme bloc le caveau de ma famille. L'atelier est toujours dans la Via Torelli, vous le trouverez facilement.
     
    Là-dessus, la comtesse tendit sa main à baiser et s'en fut, froufroutante, vers son salon.
     
    Le soleil était déjà haut, dans un ciel d'une extrême pâleur où s'effilochaient d'étranges nuages linéaires, quand Jean-Louis s'engagea sous la porte Due pour descendre vers le Campo où stationnaient les taxis. Il fut frôlé à plusieurs reprises par des cyclistes acrobates et siffleurs qui semblaient faire confiance à un mystérieux équilibre empruntant ses compensations aux gestes désinvoltes, d'un bras balancé ou d'un pied posé sur le guidon.
     
    Il faillit être douché par une femme dont il ne vit que la main brandissant un arrosoir de cuivre au-dessus d'un hortensia, au premier étage d'une maison sans porte. Plus loin, un gamin, soudain jailli d'une encoignure, le bouscula en lui criant une excuse ou une insulte, puis un carabinier, debout sur une minuscule estrade, au centre d'un carrefour de ruelles, lui expliqua que le « sémaphore » était là, plus pour les piétons que pour les voitures, et qu'il était conseillé aux pedoni de circuler a sinistra.
     
    Quand il s'engagea sous une voûte obscure qui débouchait sur le Campo, un étrange sentiment de culpabilité s'était installé en lui, comme s'il avait conscience d'avoir pénétré sur une scène où se donnait une pièce dans laquelle aucun rôle n'avait été prévu pour lui.
     
    Il aboutissait enfin au cœur de la ville sur cette place en forme de coquille Saint-Jacques, que les Siennois, quelques Italiens et tous les amateurs d'architecture médiévale disent la plus belle du monde.
     
    La pente de la ville entraîne vers le Campo ; les promeneurs y arrivent comme doivent y aboutir les eaux d'orage. Il cessa de penser aux raisons de son voyage à Sienne, tout entier livré au charme de ce décor. Le dessin du Campo est sans rigidité. Il serait vain de vouloir l'inscrire dans une forme géométrique. Seule la coquille Saint-Jacques peut en offrir une vraisemblable reproduction. Jean-Louis se souvint d'avoir lu quelque part que le président de Brosses, dans ses Lettres familières écrites d'Italie, croyait que l'on pouvait remplir le Campo avec les eaux de la fontaine Gaia et que l'on s'y promenait en bateau. Il traversa la place et des pigeons quêteurs de graines le suivirent jusqu'à la station de taxis.
     
    Il était près de midi quand Jean-Louis descendit de la Fiat dans la Via Torelli. Derrière un portail se profilaient des monuments funéraires, des statues et des blocs de marbre et de pierre. Il poussa la grille et Alfonso Benedetti vint à lui avec le sourire.
     
    On remarquait tout de suite les mains d'Alfonso Benedetti. C'était un homme petit et mince qui trottinait, les fesses serrées comme tous les Toscans. Il paraissait presque frêle mais ses mains semblaient appartenir à un autre qui eût été grand et fort.
     
    Jean-Louis ne savait comment engager la conversation. Au sourire d'Alfonso qui le prenait peut-être pour un client, il répondit en s'excusant :
     
    – Je ne parle pas italien.
     
    - Ça n'est rien, dit Alfonso élargissant son sourire, moi je parle français. Je l'ai appris avec mon père et un ami, à Florence.
     
    Ravi de constater que tout serait peut-être plus simple qu'il n'escomptait, Jean-Louis enchaîna :
     
    – Je ne suis pas venu pour commander un monument, mais pour un simple renseignement.
     
    - Dites, fit Alfonso.
     
    - Eh bien, j'aimerais savoir si cette facture vous rappelle quelque chose...
     
    Il tendit le papier à en-tête trouvé dans le bureau de son père.
     
    Alfonso le prit dans ses énormes mains grises de poussière de

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