Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Une tombe en Toscane

Une tombe en Toscane

Titel: Une tombe en Toscane Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
Vom Netzwerk:
pierre et lut attentivement en prononçant chaque mot.
     
    - Ça, dit-il, c'est l'écriture de mon père. Il est mort il y a neuf ans. J'étais encore à Carrare à l'apprentissage du marbre. C'est un des derniers tombeaux qu'il ait faits. Parce que vous savez, maintenant, les gens ont perdu le goût des beaux monuments funéraires. Ils ne veulent que des dalles toutes plates, avec des croix. Il y en a même qui préfèrent des plaques de verre gravé, plantées droites. Ce monument, ce caveau, je m'en souviens, c'est une merveille. Mon père m'a dit quand il me l'a montré que ce serait le nouveau style plus sobre que l'ancien, que c'est ça que je devrais faire pour la clientèle, que l'artiste devait guider la mode du temps, mais non la subir, qu'il devait la faire admettre, comprendre et traduire en artiste, le goût nouveau...
     
    – Mais, interrompit Jean-Louis, je voudrais savoir qui lui avait commandé ce monument.
     
    - Je pourrai vous le dire en regardant sur le livre qui est chez moi, parce que c'est l'archive de la famille depuis cinq siècles que nous autres Benedetti travaillons la pierre et le marbre. C'est le répertoire de nos ouvrages, pas un livre de comptes.
     
    Et il eut un geste du revers de la main, pour montrer que les comptes ne méritaient pas qu'on les garde.
     
    Le marbrier était bavard. Le soleil commençait à être chaud et, au milieu de ces blocs de marbre et de pierre, Jean-Louis laissait discourir Alfonso.
     
    Enfin, il l'entendit proposer :
     
    - Si vous voulez, je peux regarder ce soir, dans le livre, quand j'aurai les mains propres et puis, demain, si vous revenez, je vous dirai qui a commandé ce monument. En attendant, vous pouvez aller le voir au cimetière, il est dans le quartier des familles, au bout de l'allée de gauche, tout au fond du cimetière. C'est le deuxième à partir du mur.
     
    Jean-Louis remercia, précisa qu'il reviendrait le lendemain à la même heure et se dirigea vers le cimetière. Le chauffeur du taxi, qui dormait, sa casquette sur les yeux, se redressa au grincement du portail.
     
    - Voulez-vous lui expliquer qu'il doit m'attendre ? demanda Jean-Louis au marbrier.
     
    Et celui-ci commença un nouveau discours italien avec l'homme assis au volant de la voiture.
     
    Le cimetière de Sienne est, comme tous les cimetières italiens, propre, fleuri, ordonné, presque coquet. Les morts n'y paraissent pas vraiment morts. On les visite souvent, on va nettoyer les dalles funéraires presque toutes les semaines. En faisant leurs courses, les Siennoises y portent une fleur ; l'après-midi on se rend au cimetière au retour de la promenade. Pareils à des feux follets électriques, de minuscules lampes, simples flammes de verre dépoli ou somptueuses lanternes de fer forgé à facettes multicolores, brûlent jour et nuit sur les tombes, attestant une pensée permanente. Au crépuscule, l'effet de ces lumières fixes est assez surprenant, car chacune situe un être qui, ayant fini de vivre, tient sa place dans cette assemblée d'ampoules falotes. Le seuil de chaque tombe est ainsi éclairé comme si, dans l'attente d'une imminente résurrection, les morts exigeaient une veilleuse.
     
    En avançant à travers les caveaux et les chapelles des grandes familles, Jean-Louis vit quelques monuments étonnants. Une locomotive fumante écrasait un homme, histoire d'un mort enterré là ; un énorme livre de pierre fermé, posé sur la tranche, orné d'une médaille de bronze, représentait un professeur moustachu qui avait su inspirer à ses élèves une grande admiration ; une petite fille assise jouait avec un chat.
     
    Hors de l'ombre des cyprès plantés comme de grands pinceaux au long de l'allée centrale, on pouvait sentir déjà une sorte de tiédeur qui incitait à la marche lente. Jean-Louis croisa une femme qu'une fillette suivait en chantant et cela n'avait rien de choquant. On pouvait même penser que les morts eussent été satisfaits d'entendre le chant de la petite fille pour qui le cimetière ne devait être qu'un jardin un peu particulier.
     
    Une sorte d'indolence avait envahi le fils de Louis Malterre, qui ne sentait soudain plus aucune nécessité de poursuivre son enquête. Il s'arrêta et regarda la ville.
     
    Derrière ses remparts de brique rouge, tour à tour escaladant et dévalant les flancs des collines, après une zone de jardins ou de terrains nus, la vieille cité rivale de Florence révélait l'enchevêtrement de ses

Weitere Kostenlose Bücher