Une veuve romaine
étaient bien éteints… Enfin, tout ce que fait le maître du logis. Je me sentais soudain très important. Puisque j’avais maintenant la responsabilité d’Helena, je m’empressai aussi de verrouiller la porte d’entrée – mais j’aurais eu bien du mal à dire si c’était pour empêcher les voleurs d’entrer, ou Helena de s’enfuir.
Je sifflai d’abord pour la prévenir, puis entrai dans sa chambre avec deux boissons chaudes au miel. Le courant d’air fit vaciller la flamme de la lampe. Je trouvai Helena recroquevillée sur le divan de son père, en train de se tresser les cheveux. Avec le fauteuil, sa malle, et deux ou trois autres choses, la pièce paraissait confortable.
— Je t’apporte quelque chose à boire. Tu n’as besoin de rien d’autre ? De moi, par exemple ?
Visiblement pleine d’appréhension, elle se contenta de secouer la tête.
Je posai le gobelet à portée de sa main, et repris la direction de la porte.
— J’ajoute toujours des clous de girofle. Si tu n’aimes pas, dis-le-moi. Je n’en mettrai pas la prochaine fois.
— Marcus, tu as l’air malheureux. Est-ce que c’est de ma faute ?
— Je crois que c’est plutôt à cause de mon enquête.
— Qu’est-ce qui ne va pas ?
— L’affranchi a été assassiné malgré mes misérables efforts. Son cuisinier est mort aussi, et c’est un peu à cause de moi. Demain, il va falloir que je décide ce que j’ai envie de faire.
— Tu ne veux pas qu’on en parle ?
— Cette nuit ?
Helena Justina m’adressa un sourire. S’intéresser à mon travail allait faire partie de son nouveau rôle. Elle me poserait sans arrêt des questions, passerait mes clients au crible, se mêlerait de tout… Je saurais m’en accommoder. En fait, débattre de mes enquêtes avec Helena allait être très stimulant. Son sourire s’élargit en voyant le mien. Après m’être installé dans le fauteuil, mon gobelet sur un genou, je lui racontai tout ce qui s’était passé depuis la dernière fois où nous en avions parlé tous les deux.
En vérité, je lui racontai presque tout. Je jugeai utile de laisser dans l’ombre le fait que Severina avait tenté de me séduire.
— C’est tout ? demanda-t-elle.
— D’abord, les femmes Hortensius m’ont engagé pour démasquer Severina. Ensuite, elles me renvoient, et c’est Severina qui veut m’engager pour les démasquer, elles.
Helena Justina pesa le pour et le contre, tandis que je la dévorais des yeux.
— Pollia et Atilia t’ont plus ou moins mis à la porte de chez elles, ce qui t’a horriblement vexé. À juste titre ! Je crois que tu devrais accepter Severina comme cliente. Si elle est innocente, tu n’as rien à perdre. Si elle est coupable, tu auras sans doute de meilleures occasions de le prouver et de venger ton ami le cuisinier. En outre, conclut-elle, Severina devra te payer, si tu travailles pour elle.
— Ça, évidemment, je n’ai rien contre.
Je me gardai bien de préciser que j’avais très peur que la chercheuse d’or ne propose de me payer en nature.
— Alors, tu te sens mieux ?
— Mmm. Merci. C’est décidé, j’irai voir Severina demain. (Il était temps d’aller dormir.) Et il faudra aussi, fille de Camillus Verus, que je rende visite à ton noble papa, pour lui expliquer dans quelles conditions je t’ai déshonorée.
— Tu n’as pas à te défendre. Je me suis déshonorée toute seule.
— Ton père ne sera peut-être pas de cet avis. Quand un traîne-savates de mon espèce réussit à attirer la fille d’un sénateur, il est censé avoir sali son nom.
Helena rejeta tout cela d’un geste.
— N’importe quel père devrait être fier d’apprendre que sa fille a dîné de turbot en compagnie du fils aîné de l’empereur.
— Chérie, il arrive aussi qu’il n’y ait rien à manger dans la résidence Falco !
Elle avait l’air fatigué. Je pris la lampe. Nos yeux se rencontrèrent. Je me dirigeai vers la porte.
— Chérie, je te souhaite une bonne nuit de loin. Si je t’embrassais, je ne serais pas sûr de pouvoir me maîtriser.
— Marcus, en ce moment, je suis incapable de dire de quoi j’ai envie.
— Oui, mais une chose est sûre : tu sais de quoi tu n’as pas envie. (Voyant qu’elle voulait parler, je l’arrêtai d’un geste.) Le règlement numéro un, ici, c’est de ne pas contredire le maître de maison.
J’éteignis la lampe. Protégé par l’obscurité,
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