Une veuve romaine
que, malgré tous ces efforts, le bébé puisse mourir. Je ne pourrais pas le supporter… Je t’aime beaucoup, dit-elle soudainement.
Sa déclaration ne me sembla pas du tout hors de propos.
— Je serai là, affirmai-je.
— Tu trouverais un travail urgent à faire ! assura-t-elle, avec un sourire triste.
— Non, dis-je simplement.
Helena essuya ses larmes, tandis que je restais étendu, en m’efforçant de ressembler à quelqu’un à qui on pouvait faire confiance.
— Bon, il faut vraiment que j’aille donner à manger à ce perroquet ! s’exclama-t-elle.
Elle commit la faute de quitter la porte des yeux.
— Avoue que ce perroquet te sert d’alibi, grommelai-je plaintivement.
— Si tu pouvais te voir, rétorqua Helena, tu comprendrais que je n’ai pas besoin d’alibi !
Au moment où je m’apprêtais à la saisir, elle partit en courant hors de la pièce. Un bruit facilement identifiable nous avait fait comprendre que le maudit perroquet s’était débrouillé à écarter les barreaux de sa cage.
— Oh ! arrête de faire ta mauvaise tête et dis-moi qui l’a empoisonné ! cria Helena.
— Oooooh ! Marcus s’est très mal conduit ! hurla Chloé.
Ce qui était faux, malheureusement.
38
Helena décida qu’elle devait rendre visite à ses parents, avant que le sénateur (muni d’un solide gourdin) ne se décide à venir me voir.
Je dormais à moitié, quand il me sembla l’entendre rentrer. Je n’ouvris pas les yeux tout de suite.
— C’est toi ? criai-je au bout d’un moment.
— Oui, c’est moi. Tu m’as fait peur.
Oh ! Junon ! Ce n’était pas la voix que j’attendais. Severina Zotica pénétra dans ma chambre.
Je m’assis brusquement. Le perroquet était perché sur son bras : elle était donc passée par mon bureau où se trouvait sa cage. Il restait à espérer qu’elle n’était pas allée fouiner dans la chambre d’Helena. Mais une fois son affreuse bestiole récupérée, son nez avait dû la guider tout droit vers la mienne. En effet, Helena croyait fermement en la vertu des cataplasmes de fenugrec continuellement appliqués sur les blessures – à la différence de Petronius qui, après les avoir nettoyées une seule fois avec ses résines balsamiques, s’en désintéressait impérialement. Mon visage en bouillie la stoppa net dans son élan.
— Oh ! non. Falco, que t’est-il arrivé ?
— Appius Priscillus.
Elle se mit à papillonner autour de moi, en se forçant à adopter une expression anxieuse.
— Mais il faut que quelqu’un s’occupe de toi.
— Quelqu’un s’occupe de moi.
Elle balaya la pièce des yeux, et put constater que tout paraissait en ordre. Quant à moi, à part une barbe de plusieurs jours, j’étais soigneusement récuré et peigné. Installé au milieu de mes coussins, avec un bol de figues à portée de la main, je ressemblais à un véritable potentat oriental. Si elles n’avaient pas encore commencé à prendre une meilleure apparence, du moins mes coupures et mes boursouflures n’empiraient-elles plus. Elles étaient libres de tout bandage pour pouvoir prendre l’air, mais Helena m’avait enfilé une tunique propre. Non par modestie, mais pour essayer de m’empêcher de me gratter continuellement.
— Ta mère ? demanda Severina presque agressivement.
— Une amie, déclarai-je, sans vouloir l’éclairer davantage.
Le visage pâle de Severina parut se fermer. Ce fut le moment choisi par le perroquet pour faire entendre un roucoulement venu du plus profond de sa gorge, et elle caressa les plumes grises de son cou.
— Tu m’as menti, Falco, au sujet de cet oiseau et de ton amie.
— Absolument pas.
— Tu m’as dit…
— Je sais ce que je t’ai dit. C’était vrai à ce moment-là. C’est mon amie qui a besoin de la compagnie de Chloé. Elles ont toutes les deux un tempérament difficile, et je crois qu’elles s’apprivoisent mutuellement… (Ma plaisanterie tomba complètement à plat.) Désolé de ne pas t’avoir donné de mes nouvelles, mais je n’ai pas pu quitter la maison depuis cette méchante aventure. Que puis-je faire pour toi ?
— Un de mes esclaves a entendu dire que Priscillus t’avait fait donner une leçon. Alors je me suis précipitée ici, bien sûr. Mais j’étais loin d’imaginer que c’était aussi terrible !
— Ça commence à aller mieux. Inutile de t’affoler.
Le fauteuil de rotin d’Helena étant installé à côté de mon
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