Une veuve romaine
sortiras, va tout droit vers eux, et demande-leur qui les a postés là.
— Tu le sais ?
— Petronius. Il nous a dotés de gardes du corps.
— Si Petronius juge que c’est nécessaire, je ne trouve pas ça très rassurant. (Nous nous regardâmes en silence. Puis Helena décida de faire contre mauvaise fortune bon cœur.) Est-ce que j’ai posé les bonnes questions ? finit-elle par demander.
— Tu poses toujours les bonnes questions !
— Les gâteaux ont joué un rôle important, Marcus. Rien ne pourra me l’enlever de la tête. Un seul devait être empoisonné, mais comment être sûr que la victime désignée allait le prendre ? Je pense qu’il devait s’agir du plus gros.
— J’étais sûr que tu arriverais à cette conclusion, déclarai-je, en lui adressant un sourire.
— Ç’aurait été parfait. Hortensius Novus était l’hôte. Je suis persuadée que chez des gens aussi vulgaires, on passe d’abord le plat à l’hôte. Et il ne faisait aucun doute qu’il choisirait le plus gros !
— Et pourtant Severina l’a enlevé, rappelai-je avec un autre sourire.
— J’avoue que je n’y comprends rien.
— C’est peut-être la preuve que Severina est innocente. Bien que se sentant mal, elle est venue jusqu’à la maison parce qu’elle s’est dit que son bien-aimé serait en danger au cours du banquet. Elle voulait voir s’il y avait quelque chose de suspect dans la nourriture.
— C’est ce qu’elle t’a dit ? (Non. Elle n’avait pas encore osé aller jusque-là !) Je pense, moi, déclara Helena d’un ton lugubre, que c’est plutôt ce qu’elle voudrait te faire croire. D’après toi, est-ce que Viridovix avait deviné le but supposé de sa visite : vérifier que personne n’était venu tripoter la nourriture ?
— Viridovix était tout le contraire d’un idiot.
— Elle tenait à ce que tu découvres le truc du gros gâteau, j’en mettrais ma main au feu. Le poison était sûrement ailleurs.
— Oh ! il était ailleurs, ça ne fait aucun doute. (Nous restâmes de nouveau quelques instants à réfléchir en silence.) S’il a vraiment été empoisonné pendant le dîner, dis-je, difficile d’imaginer Priscillus dans le rôle du coupable. Rival en affaires, il ne l’aurait certainement pas assassiné dans sa propre maison.
— Est-ce que Priscillus n’aurait pas pu acheter l’un des esclaves ?
— Trop risqué. Les esclaves sont toujours les premiers à être soupçonnés. Il aurait fallu offrir beaucoup d’argent à cet homme. Or, un esclave avec beaucoup d’argent se fait vite repérer.
— Sauf si l’esclave était Viridovix, car Viridovix est mort.
— Personne ne me fera croire que c’était le cuisinier.
— Tu l’as rencontré, donc tu dois le savoir. (Elle comprit que j’étais vraiment trop fatigué pour continuer.) Crois-tu que nous ayons avancé un tout petit peu ? demanda-t-elle, en arrangeant ma couverture.
Je tendis un doigt écorché en direction de son visage.
— Oh ! je pense que oui ! affirmai-je, avec un regard concupiscent.
Helena s’empressa de me fourrer le bras sous la couverture.
— C’est l’heure de donner à manger au perroquet. Toi, tu ferais mieux de dormir.
— Chloé est assez grande fille pour manger toute seule.
— J’ai l’impression que tu vas un peu mieux. C’est bon signe que tu puisses parler.
— Je peux parler, mais je ne peux toujours pas bouger. (Je pouvais voir qu’elle était préoccupée.) Qu’y a-t-il, ma douce ?
— Rien.
— Oh ! je te connais trop bien.
— Marcus, est-ce que tu souffres beaucoup ?
— Au moment où on se fait tabasser, on n’a pas le temps d’avoir mal. Après, il faut faire avec…
Je l’observais attentivement. Parfois, Helena se renfermait sur elle-même, et il devenait difficile de l’atteindre. Mais il arrivait aussi qu’elle se tourne vers moi dans ces moments-là.
— Et toi, chérie, quand tu as perdu le bébé, tu as beaucoup souffert ?
— Mmm.
En dépit de la brièveté de la réponse, je compris qu’elle acceptait d’en parler. Peut-être l’occasion ne se représenterait-elle plus jamais.
— Est-ce pour cela que tu as peur d’en avoir un autre ?
— J’ai peur de tout, en fait. Ne pas savoir ce qui va arriver. Ne pouvoir rien faire. Cette épouvantable vulnérabilité… Les sages-femmes incapables, les médecins grossiers, munis d’horribles instruments. J’ai peur de mourir. J’ai peur
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