Une veuve romaine
lit, je lui fis signe de s’asseoir. Severina y prit place.
— C’est agréable d’avoir une visite.
Percevant sa tension, je voulais détendre l’atmosphère.
— Et où est passée ta garde-malade ? demanda-t-elle sèchement.
— Helena ?…
Son obstination commençait à m’agacer, mais j’essayai néanmoins de trouver une position confortable sur mon lit. Je n’avais aucune envie de me disputer. La rouquine m’apparaissait aussi possessive qu’un enfant qui essaie de s’emparer des jouets d’un autre bambin, parce qu’il n’a pas encore appris à se contrôler.
— … Helena Justina est partie expliquer à son père, qui est sénateur, pourquoi je ne suis pas encore allé m’excuser personnellement d’avoir enlevé sa noble fille. Si tu vois un homme avec des croissants rouges sur ses bottes se précipiter ici (l’uniforme patricien traditionnel), en brandissant un glaive aiguisé d’un air féroce, écarte-toi de son chemin et laisse-le s’attaquer à moi !
— Quel horrible hypocrite tu fais. C’est son argent qui t’intéresse. Avoue !
— Non, c’est elle qui est après le mien. Je n’arrive pas à la tenir éloignée de mes comptes.
Les gens ne croient jamais la vérité.
Le silence s’installa. J’étais encore trop malade pour me soucier de la susceptibilité de quiconque.
— C’est quoi, ça, Falco ?
J’avais une ardoise sur le lit.
— Le diagnostic d’aujourd’hui, c’était l’ennui. Alors, le remède prescrit a été d’écrire un poème. Mais je crois que je vais plutôt gribouiller une satire intitulée : « Pourquoi je hais les perroquets. »
— Quel grossier personnage ! roucoula Severina au perroquet.
— Quel grossier personnage ! s’empressa de répéter Chloé.
— Elle apprend vite, observai-je.
Imperturbable, Severina se retourna vers moi.
— Est-ce que ça veut dire que tu interromps ton enquête ?
— Ah ! oui, l’enquête… dis-je avec désinvolture.
J’essayais de la rendre nerveuse. J’aurais aimé lui poser plusieurs questions – au sujet de blancs d’œufs, par exemple, ou d’un gâteau retrouvé dans une poubelle. Mais j’étais décidé à mener à bien certaines investigations, avant de laisser Severina Zotica brouiller les pistes avec des réponses préparées à l’avance. J’adoptai ma voix la plus professionnelle avant de poursuivre :
— Je devrais rester une semaine au lit, mais je me contenterai de trois jours. Demain a lieu l’enterrement du cuisinier des Hortensius, et j’ai bien l’intention d’y assister.
Cette nouvelle parut troubler Severina.
— Qu’est-il arrivé à Viridovix, Falco ? J’ai appris qu’il était mort tout d’un coup. Est-ce que ça a quelque chose à voir avec la mort de Novus ?
— Viridovix est mort paisiblement dans son sommeil, affirmai-je avec un sourire rassurant.
— Alors, dans ce cas, pourquoi vas-tu à son enterrement ?
— D’abord, il m’était sympathique. Ensuite, ça va me donner l’occasion de m’approcher de la maison.
— Tu cherches des indices ?
— Possible.
— Falco, j’ai beau essayer, je n’arrive pas à te comprendre. Je suis ta cliente, non ? Alors arrête de faire tous ces mystères !
— D’accord, d’accord. Je crois qu’il est nécessaire de montrer à la famille Hortensius – et, à travers eux, à cette ordure de Priscillus – que, contrairement aux rumeurs, je suis toujours en mesure de me déplacer. (Elle me regarda avec l’expression de quelqu’un qui en doutait.) Dis-moi, as-tu rencontré ce Priscillus ?
Elle fronça les sourcils d’un air soupçonneux, alors que ma question n’était rien d’autre qu’une simple curiosité.
— Quand j’étais mariée à l’apothicaire, nous habitions près de la maison qu’il possède sur l’Esquilin. Puis, quand la situation a empiré entre Novus et lui, je suis allée moi-même voir Priscillus pour lui transmettre l’invitation à dîner.
— C’était avec l’accord de Novus ?
— Bien sûr. Autrement, je ne serais jamais allée le voir. (Je hochai gravement la tête. En fait, sa protestation outragée m’amusait beaucoup. Évidemment, aucune femme respectable ne rend, seule, visite à un homme. Mais qui est respectable ?) Si c’est Priscillus qui a tué mon fiancé, je me sens coupable de les avoir mis en rapport.
Elle ne manquait vraiment pas d’audace !
— Allons, calme-toi. Une guerre était sur le point
Weitere Kostenlose Bücher