Une veuve romaine
histoire. J’ai toujours apprécié une comédie bien ficelée.
Impassible, la chercheuse d’or s’exclama :
— Sors tout de suite de chez moi !
Elle était solide et, jusqu’à un certain point, honnête. Sa réaction me plut.
— D’accord, je m’en vais. Une dernière question : la famille Hortensius me donne l’impression de former une petite clique assez spéciale. Tu ne t’y sens pas étrangère ?
— Je suis prête à faire des efforts.
— Quelle fille astucieuse tu nous fais !
— C’est bien le moins que je puisse faire pour Novus !
Oui, elle était astucieuse ; mais quand je partis, ses yeux me suivirent en exprimant plus de satisfaction qu’il n’était nécessaire.
Je me rendis en claudiquant dans le premier établissement de bains venu, traversai les salles de vapeur sans m’arrêter, et submergeai douleurs et égratignures dans un excellent bain chaud. La blessure par glaive, que j’avais tant bien que mal soignée, s’était rouverte quand les esclaves de la chercheuse d’or m’avaient traîné chez elle sans le moindre ménagement. Je restai longtemps étendu dans le bassin, essayant de ne penser à rien, en tripotant ma blessure (ce qu’on ne doit jamais faire, mais qu’on fait toujours).
Je me dis tout d’un coup qu’il ne m’était même pas venu à l’idée d’essayer d’acheter Severina Zotica. Tant pis. J’avais encore le temps de lui faire une offre. Il faudrait que je retourne chez elle pour négocier un prix – un autre jour. Oui, un autre jour, quand je me serais préparé mentalement à la rencontre, et que mes membres pourraient de nouveau bouger normalement.
Aucun doute là-dessus, elle représentait un défi. Et l’idée que moi aussi je représentais peut-être un défi pour elle était loin de m’être désagréable.
18
J’avais eu mon compte d’aventures pour la journée. Je n’aurais jamais pu trouver l’énergie de me hisser en haut du mont Pincio pour faire un compte rendu des derniers événements à mes clientes – même si j’avais eu très envie de me frotter une nouvelle fois à l’iniquité féminine. Je me dis aussi qu’il valait mieux ne pas aller irriter Helena en exposant les bleus que m’avait infligés une autre femme dans les alentours de la porte Capena. Il ne me restait donc qu’une possibilité (la plus agréable) : rentrer chez moi et m’écrouler sur mon nouveau lit.
En grimpant péniblement les trois volées de marches conduisant à mon appartement – plus heureux que jamais d’avoir abandonné les six étages de la Cour de la Fontaine –, je tombai sur Cossus.
— Falco ! Tu m’as l’air en triste état…
— Une petite amie trop exigeante. Qu’est-ce qui t’amène ici ? Tu viens réclamer des loyers en retard ?
— Oh ! non. Ici, nos locataires paient rubis sur l’ongle. (J’étais heureusement habitué à contrôler l’expression de mon visage. Je ne tenais pas à lui laisser deviner qu’il aurait peut-être de mauvaises surprises dans quelques mois.) C’est la veuve du quatrième qui m’a fait dire qu’un crétin ne cesse de faire du vacarme au milieu de la nuit. Soi-disant qu’il hurle des chansons idiotes et fracasse je-ne-sais-quoi. Tu as entendu quelque chose ?
— Non, rien. (Je baissai la voix.) Quelquefois ces vieilles qui vivent seules imaginent des choses…
Évidemment, Cossus ne demandait qu’à admettre que la veuve était gâteuse. C’était plus acceptable que de se dire qu’un des locataires – surtout quelqu’un d’assez costaud pour lui taper dessus – faisait preuve de tendances antisociales.
— … En fait, j’ai entendu la veuve cogner contre les murs, grommelai-je. Je l’aurais bien signalé, mais je suis plutôt du genre tolérant… Pendant que j’y pense, ajoutai-je pour changer de sujet, est-ce que le loyer ne devrait pas inclure un portier qui monte l’eau et balaye l’escalier ?
Je m’attendais à de vives protestations. Au contraire, il acquiesça.
— Oui, tu as raison. Cependant, comme tu le sais, de nombreux appartements sont encore inoccupés. Mais, crois-moi, engager un portier fait partie de mes priorités.
Devant tant de bonne volonté, je me sentis obligé de lui donner un pourboire quand il prit congé.
Je trouvai ma porte d’entrée ouverte. Inutile de me précipiter à l’intérieur en criant au scandale, des bruits familiers m’en ayant indiqué la cause. Mico, mon traître de beau-frère,
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