Une veuve romaine
l’obscurité. De loin en loin brillait faiblement une lumière, mais le passage conduisant au logis de Severina était tout à fait noir. Je me heurtai à un seau oublié devant chez le fromager. Il n’y avait aucun signe de vie dans la maison de la dame.
Il me fallut un temps infini pour parvenir à attirer l’attention d’un esclave. Au début, j’avais tenté de me montrer discret, ne souhaitant pas réveiller tout le quartier. Au bout d’un moment, n’ayant obtenu aucun résultat, je fus obligé d’utiliser le heurtoir de fer de toutes mes forces, et très longtemps. Je suis sûr que le bruit pouvait s’entendre jusqu’au Cælimontium, même si personne n’ouvrit ses volets pour connaître la raison de tout ce vacarme, ou pour protester. Rien à voir avec les voisins intolérants que j’avais connus sur l’Aventin.
L’esclave qui vint ouvrir la porte me reconnut, et ne fit aucune remarque sur l’heure tardive de ma visite. Peut-être Severina avait-elle d’autres hommes dans ses relations qui venaient la voir au cœur de la nuit ? Après qu’il m’eut laissé entrer, je pus constater que la maison était silencieuse et comptait peu de lampes allumées. Tout le monde semblait dormir.
Il me fit attendre dans la pièce où je l’avais rencontrée pour la première fois. Un nouvel ouvrage était en chantier sur le métier à tisser. Mes yeux s’attardèrent ensuite sur un parchemin de la librairie abandonné sur un lit de repos : un traité sur la Mauritanie. Je perdis ensuite tout intérêt pour mon environnement, et tendis l’oreille pour surprendre les bruits de la maison.
L’esclave passa enfin la tête au coin du rideau de la porte.
— Elle va descendre, murmura-t-il d’un air renfrogné.
— Merci. Dis-moi, demandai-je, est-ce que Novus et Severina ont déjà fixé la date de leur mariage ?
— Dans dix jours.
— Tu sais quand ils se sont décidés.
— Un peu plus tôt dans la semaine.
— Alors Novus a très bien pu annoncer la nouvelle au cours du banquet de ce soir ?
— Elle va descendre, se contenta-t-il de répéter.
Il me jeta le regard caustique de celui qui savait que je donnais des coups d’épée dans l’eau.
Je ne l’entendis pas venir.
Son apparence suggérait qu’elle venait juste d’être réveillée par l’esclave. Le visage légèrement boursouflé, vêtue d’une simple tunique blanche qui lui découvrait les bras, elle ne portait pas de chaussures. Ses cheveux roux dénoués lui tombaient dans le dos. Pourtant, je ne pouvais m’empêcher de la soupçonner d’être restée éveillée dans son lit, dans l’attente d’un messager qui lui apporterait la nouvelle attendue.
— Tu as quelques explications à me fournir, Zotica ! (Elle soutint sans faiblir mon regard scrutateur. Je m’y attendais. Elle n’était pas du genre à se laisser impressionner.) Novus est mort.
— Novus ? s’exclama-t-elle immédiatement.
Puis elle fronça les sourcils, comme s’il y avait quelque chose qu’elle ne comprenait pas.
— Tu le savais ?
— Mort ? répéta-t-elle.
— Tu es une bonne actrice, Zotica ! dis-je, pour lui faire perdre son calme.
L’air indigné, elle prit une profonde inspiration, comme pour essayer de se calmer.
— As-tu besoin d’être si brutal ? (Elle s’avança dans la pièce et se prit le visage entre les mains.) Que s’est-il passé ? Raconte-moi tout.
— J’ai découvert ton promis dans la soirée, à plat ventre dans les latrines. Empoisonné. N’essaye pas de me faire croire que tu es surprise !
Elle se mordit les lèvres en apprenant les détails de ma bouche, et je vis la colère monter en elle. Excellent. S’approchant du divan, elle s’y laissa tomber en frissonnant – apparemment.
— Quelle heure est-il, Falco ? (Je n’en avais pas la moindre idée.) C’est la question que les gens posent toujours, murmura-t-elle d’un ait absent, à un moment où le temps ne compte plus…
Malgré son air catastrophé, elle ne parvenait pas à me convaincre.
— Oublie le galimatias de circonstance, Zotica ! Dis-moi plutôt pourquoi tu n’as pas assisté au banquet ?
— Je ne me sentais pas bien, Falco. (Je vis son visage s’assombrir.) Problème de femmes. (Elle pointa le menton vers moi, comme pour me défier, tout en pressant les mains sur son ventre.) Tu vois ce que je veux dire ?
— Si tu t’imagines que je vais être trop embarrassé pour aborder ce sujet, tu te
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