Une veuve romaine
Écoute ! J’avais besoin de parler à Viridovix pour qu’il me fournisse d’autres détails sur la façon dont se sont déroulés les événements, hier après-midi. Ce n’est plus possible. Peux-tu me trouver quelqu’un d’assez observateur, et qui aurait travaillé dans la cuisine pendant la préparation du fameux repas ?
Il m’apparut hésitant. Je m’empressai donc de lui rappeler que personne d’autre ne lèverait le petit doigt pour venger le cuisinier. Puis, comme il craignait visiblement que quelqu’un l’aperçoive en train de discuter avec moi, je lui indiquai ma nouvelle adresse et le laissai filer.
Moi, je restai assis sous l’arbre à penser au Gaulois. Il m’avait plu. Il acceptait son sort, tout en se débrouillant à conserver son propre style. C’était, de toute évidence, un homme intègre. Et un homme digne.
Je continuai de réfléchir à son sujet pendant longtemps. Je lui devais bien ça.
Aucun doute : il avait bel et bien été assassiné. On avait dû lui faire ingurgiter un poison plus lent que celui qui avait terrassé Novus. Peut-être Novus avait-il avalé les deux ? Et qui aurait pu affirmer que personne d’autre n’était visé ?
Impossible d’être certain, non plus, que les deux poisons avaient été administrés par la même main. Et pourquoi une double tentative ? Pour avoir une double certitude de réussir ? J’étais sûr d’avoir au moins compris une chose : comment le deuxième poison avait été administré. Et je savais que cela allait me hanter longtemps. Ce poison devait se trouver parmi les épices au goût amer que Viridovix avait ajoutées à sa coupe de Falernian.
Je me revoyais en train de les mélanger pour lui. J’avais tué Viridovix moi-même.
29
Reprenant la direction du sud sur ma mule de location, une partie de moi me répétait que je devais continuer mon enquête jusqu’au bout, même sans être payé. C’était la partie noble. Une autre partie (en pensant à Viridovix) se sentait ignoble et fatiguée.
Je rentrai chez moi. Je ne voyais aucune raison d’aller ailleurs. Et, surtout, je n’avais pas intérêt à aller asticoter Severina Zotica avant d’avoir recueilli des preuves concrètes qui me permettraient de garrotter ce serpent femelle.
Or, très peu de temps après que j’eus remué ces pensées dans ma tête, voilà qu’elle frappa à ma porte. J’étais de nouveau en train de réfléchir. Et pour aider à ma réflexion, je m’étais lancé dans des travaux manuels.
— Tu t’offres des vacances, Falco ?
— Je répare un fauteuil.
J’étais de très mauvaise humeur, et décidé à prendre les choses de haut.
Elle resta un moment à examiner le siège de rotin délabré, dont le dossier semi-circulaire se prolongeait par deux accoudoirs.
— C’est un fauteuil de femme.
— Et alors ? Quand j’aurai fini de le réparer, je trouverai une femme pour aller avec.
La rouquine sourit nerveusement.
Elle n’était pas habillée de noir, mais avait revêtu une tunique violet foncé. Ce n’était pas une tenue conventionnelle, mais elle parvenait à traduire un plus grand respect pour le mort que Pollia et Atilia n’en avaient montré dans leurs élégants voiles blancs.
Je continuai mon travail. J’avais commencé avec l’intention de remettre en place deux ou trois brins d’osier, avant d’en arriver à pratiquement démolir le fauteuil, qu’il fallait maintenant refaire entièrement. J’y avais déjà passé pas mal d’heures.
Pour déjouer l’agaçante curiosité de Severina, j’ajoutai sèchement :
— Ma sœur Galla m’a donné le fauteuil. Ma mère m’a apporté les brins d’osier. C’est un travail éreintant. Et le pire, c’est que je suis conscient que quand Galla va voir le résultat, elle va s’exclamer : « Oh ! Marcus, tu es vraiment doué ! », et elle me demandera de lui rendre le fauteuil.
— Ton rotin est trop sec, m’informa Severina. Tu devrais le mouiller avec une éponge.
— Je peux me passer de tes conseils !
Le brin d’osier que j’essayais de faire glisser se brisa entre mes mains. J’allai chercher une éponge.
Je retrouvai Severina installée sur un tabouret.
— Tu te donnes beaucoup de mal.
— C’est le seul moyen d’obtenir de bons résultats.
Elle ne répondit rien, attendant visiblement que je me calme. Je n’en avais aucunement l’intention.
— Un édile est passé me voir, aujourd’hui, de la part du
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