Une veuve romaine
magistrat du mont Pincio.
J’avais beaucoup de mal à coincer mon brin d’osier pour qu’il ne glisse pas.
— Je suis certaine que tu as su l’embobiner.
Je bloquai le fauteuil entre mes genoux.
— J’ai répondu à ses questions.
— Et il est vite reparti ?
Severina avait adopté un air dédaigneux.
— Il y a peut-être des gens qui se rendent compte que m’accuser sans aucun motif n’est pas très logique.
— Peut-être aussi que le préteur a envie de prendre ses vacances en août. (Je passai mes doigts meurtris sur l’éponge.) Quoi qu’il en soit, je vais te donner un tuyau : si tu réussis à convaincre cet édile, personne d’autre ne viendra t’ennuyer.
— Quoi ?
Je me relevai, remis le fauteuil d’aplomb et m’assis dedans. Je dominai ainsi sa petite silhouette tirée à quatre épingles, installée sur mon tabouret.
— Mon enquête est terminée, Zotica. Pollia et Atilia ont décidé de se passer de mes services.
— C’est idiot de leur part ! s’écria-t-elle. Si Novus avait vraiment compté pour elles, elles t’auraient laissé continuer.
— Je n’ai jamais cru en leur sincérité.
— Tu ne me surprends pas. (Je n’eus aucune réaction. J’étais persuadé que ce qui allait suivre allait me valoir des ennuis. Mais avec Severina, le fait n’était pas nouveau.) En te renvoyant, poursuivit-elle, elles prouvent ce que je t’ai dit.
— Précise !
— Pollia et Atilia t’ont engagé dans l’unique but de jeter les soupçons sur moi.
— Pourquoi ?
— Pour déguiser leurs propres visées.
— Et leurs propres visées consistent en quoi ?
Severina prit une profonde inspiration.
— Il y avait des heurts sérieux entre les trois Hortensius. Crepito et Felix n’étaient pas du tout d’accord sur la façon dont Novus gérait leurs affaires. Et comme Novus n’aimait pas les ennuis, il avait décidé de mettre un terme à leur association.
Je n’accordais aucune confiance à Severina, mais ce qu’elle me disait me faisait penser à ce que m’avait confié Viridovix sur l’atmosphère délétère du banquet.
— Est-ce que les deux autres auraient eu beaucoup à perdre, si Novus avait mis ses menaces à exécution ?
— Novus a toujours été le chef. C’est lui qui avait les idées et prenait les initiatives.
— Il serait donc parti avec la majorité des affaires ?
— Exact. Et depuis notre rencontre à tous les deux, la situation s’était encore dégradée. S’il m’épousait, et si nous avions des enfants, ses héritiers actuels allaient en subir les conséquences.
— Felix et Crepito ?
— Felix et le fils de Crepito. Atilia est folle de son garçon. Elle compte sur un héritage pour qu’il puisse faire carrière.
— Et Pollia ?
— Pollia, elle, ne pense qu’à une chose : s’approprier l’argent de son mari.
J’étais bien obligé de reconnaître que ce qu’elle m’affirmait tenait debout. Ce qui ne me plaisait pas du tout. En effet, je m’étais convaincu que Severina était coupable, et j’avais beaucoup de mal à changer d’opinion.
— Es-tu en train de me dire que les affranchis ou leurs femmes seraient allés jusqu’à tuer Novus ?
— Ils l’ont peut-être fait d’un commun accord.
— Ne juge pas les autres d’après toi-même ! Mais je dois admettre que le moment choisi pour perpétrer le meurtre – quand Novus et toi veniez juste de fixer la date de votre mariage – est plein de signification.
Severina battit ses petites mains blanches d’un air triomphant.
— Mais il y a encore pire : je t’ai déjà dit que Novus avait des ennemis. (Elle m’avait confié un certain nombre de choses. Et vraisemblablement beaucoup de mensonges. Je me mis à rire.) Je t’assure que tu ferais mieux de m’écouter, Falco !
Je fis un petit geste d’excuse, mais elle garda un silence boudeur.
— Quels ennemis ?
— Outre Crepito et Felix, il s’est également mis Appius Priscillus à dos.
— Dois-je en conclure qu’il menait le même genre d’affaires, et que leurs intérêts chevauchaient ? Raconte-moi tout, Severina. Quel était le but du banquet d’hier soir ?
— Une réconciliation, tu le sais déjà. C’est précisément contre Appius Priscillus que j’ai essayé de te mettre en garde.
— Il menaçait Novus ?
— Novus et les deux autres. C’est la raison pour laquelle Atilia ne perd jamais son fils de vue : Appius a menacé de
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