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Vengeance pour un mort

Vengeance pour un mort

Titel: Vengeance pour un mort Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Caroline Roe
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que la princesse n’eût quitté son lit. Ainsi ils faisaient croire que ce petit paradis était un don de la nature plutôt que le fruit du labeur des hommes.
    Pourtant le personnage qui franchit la porte n’était ni un jardinier ni un ennemi. C’était Bernard Bonshom, seigneur de Puigbalador. Quelques mots murmurés et le tintement d’une bride lui firent comprendre que son serviteur l’accompagnait, chargé, sans aucun doute, de conduire les chevaux vers une entrée plus orthodoxe. Il entra, discrètement mais de manière nullement furtive, repoussa la porte et la ferma à l’aide de la lourde clef qu’il tenait à la main. Il remit en place la barre de chêne, se frotta les mains et se retourna.
    — Bonjour, monseigneur, le salua Margarida. Le temps est idéal pour chevaucher.
    — C’est vrai, Doña Margarida, répondit-il en s’inclinant, quoiqu’il soit un peu tôt. Je ne comptais pas rencontrer quelqu’un à une heure aussi matinale. Le soleil n’est pas encore levé.
    — J’ai mal dormi, expliqua Margarida, et je suis sortie profiter du calme matinal. Mais que faites-vous dehors à pareille heure ?
    — Doña Margarida, j’implore votre discrétion, dit Bonshom. J’ai passé la nuit avec une amie. De façon assez inattendue, pourrait-on dire. J’avais espéré que l’on ne remarquerait pas mon retour. J’espérais particulièrement, ajouta-t-il, que mon absence du palais passerait inaperçue. C’est une entrée fort pratique quand on l’emprunte assez tôt. Plus agréable, en tout cas, que de ramper dans le conduit réservé aux déjections.
    — Je me doute que vous n’aimeriez pas abîmer cette étoffe impeccable et ces bottes cirées dans un tel conduit. Mais vous donnez l’impression de ne pas avoir beaucoup dormi. Vous êtes aussi pâle qu’un amant éconduit.
    — Vous vous moquez de moi, Doña Margarida, mais je reconnais que je le mérite. Vous savez que je ne puis supporter d’avoir des habits couverts de poussière ou en désordre.
    — Est-ce que je connais cette amie, qui vous renvoie, étincelant comme une perle ?
    — Je ne le pense pas, dit-il d’un air détaché. C’est une délicieuse créature, très amusante aussi. Nous avons joué aux cartes toute la nuit.
    — Toute la nuit, monseigneur ?
    — Enfin, une bonne partie de la nuit, Doña Margarida.
    La fraîcheur matinale le fit frissonner.
    — Je crains d’avoir oublié ma cape chez elle. Quel sot…
    — Peut-être était-ce à dessein, pour vous donner l’occasion de revenir. Ce que je ne comprends pas, en revanche, c’est l’inquiétude au sujet de votre réputation. Pour ce qui est de la dame, oui, mais n’est-il pas trop tard pour protéger la vôtre ?
    — Hélas, ce n’est que trop vrai, répondit Bonshom. Mais la princesse Constança a laissé entendre qu’elle n’apprécie pas mon comportement quand je suis ici, au palais. Il semble qu’on lui ait raconté des choses assez folles à mon propos.
    — Des mensonges ?
    — Pas nécessairement, mais des indiscrétions. Et Son Altesse se croit aussi puissante que son père le roi depuis qu’elle a atteint la taille d’une femme.
    — Ce n’est pas seulement en taille qu’elle est devenue femme, monseigneur. Elle fait preuve d’une grâce et de manières dignes d’une reine. Peut-être pense-t-elle qu’on lui doit une certaine déférence.
    — Elle ne fait qu’essayer son pouvoir, répliqua Bonshom sur un ton assez vindicatif. Il est temps de la marier à un homme dont le rang la remette à sa place.
    — Monseigneur, vous oubliez où vous êtes et à qui vous vous adressez, rétorqua Margarida. Je suis la dame de compagnie de Son Altesse Royale et certainement pas l’un de vos compagnons de jeu.
    — C’est vrai, vous avez raison. Je vous présente mes excuses les plus sincères. La lassitude me joue des tours et mes plaisanteries tombent mal. Si vous voulez bien me pardonner, Doña Margarida, je n’ai pas vu mon lit de la nuit. Mes habits ont peut-être l’air frais, mais moi-même ne le suis pas.
    Il s’inclina et prit la direction du palais.
    Margarida l’observa avec intérêt. Car elle l’avait vu sortir la veille au soir, tout aussi élégant, vêtu d’une chemise immaculée comme les cimes enneigées des montagnes, mais entre-temps, la couleur de sa tunique était passée du vert au violet, celle de ses hauts-de-chausses du doré au bleu foncé et celle de ses bottes du brun au noir. Elle se demanda

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