Vengeance pour un mort
comment il avait réussi à établir une maison et une maîtresse si près du palais sans que cela parvienne aux oreilles de ses occupants, pourtant si avides de commérages.
Margarida regagna les appartements où dormaient les dames de compagnie, non loin de la chambre de la princesse. Elle réveilla sa chambrière, se lava et choisit une toilette plus adaptée à ses projets de la journée.
— Madame va monter ce matin ? lui demanda la chambrière.
— Oui, répondit Margarida. Dès que j’aurai déjeuné et souhaité le bonjour à Son Altesse.
Le pont-levis avait été abaissé et la herse levée ; les archers étaient postés dans la barbacane surplombant la porte désormais vulnérable. Le palais fortifié était prêt une fois encore à accueillir le reste du monde.
Le premier visiteur venu de l’extérieur suscita un formidable intérêt. C’était un courrier royal, qui apportait des lettres et des documents. Aux premières lueurs du jour, l’homme avait quitté Collioure, où la galée royale avait jeté l’ancre. Nul ne s’étonna que l’une de ces missives fut destinée à la princesse. Don Pedro, roi de l’empire d’Aragon, était un père affectionné. Toujours en déplacement, il écrivait fréquemment à ses filles. Une lettre de sa part était donc chose assez commune, mais elle lui fut tout de même apportée en grande hâte. Rien n’aurait pu lui donner plus de plaisir, à l’exception du fait que Morena gambadait dans la chambre sur trois pattes et recommençait à chercher à sortir.
Quand, après le déjeuner, Margarida demanda à passer un instant en sa compagnie, Constança était assise à une table, la lettre posée devant elle.
— J’allais vous faire chercher, dame Margarida, dit-elle. J’ai reçu de Sa Majesté le roi une lettre des plus étranges, dont une partie du contenu doit être communiquée à dame Johana et à Don Arnau. Je me rends compte que c’est là chose impossible, mais je souhaite que dame Johana lise ceci.
Elle tendit à Margarida un parchemin soigneusement plié et fermé de son propre sceau.
— Il est important qu’elle le reçoive dès que possible, ajouta-t-elle.
Margarida partit aussitôt. Quand elle arriva au Call, il grouillait de femmes faisant le marché ainsi que de marchands menant leurs affaires dans la plaisante chaleur du soleil et la vive lumière du matin.
La seule demeure qui fût encore fermée était celle du médecin Jacob Bonjuhes.
— Tout va-t-il bien dans la maison ? demanda Margarida à une voisine qui sortait faire ses courses.
— Je n’ai eu vent d’aucun problème, répondit la brave femme. Mais les festivités nuptiales ont duré jusque tard dans la nuit. Des gens qui vont et viennent, des portes qui s’ouvrent et se referment. Je ne suis pas étonnée qu’ils soient encore couchés. Mais allez-y, sonnez à la porte. Ils ne vous en voudront pas.
La femme décida d’attendre au cas où il se passerait quelque chose d’intéressant.
Le serviteur qui accompagnait Margarida actionna la cloche puis frappa à la porte. Au bout d’un certain temps, la petite servante ouvrit. Elle contempla l’imposante silhouette dressée devant elle.
— Bonjour, madame, dit-elle.
— Tout va bien ? demanda Margarida.
— Je crois, oui, répondit la fillette, surprise. Sauf que le maître et la maîtresse ont veillé tard hier soir et qu’ils sont encore au lit, tout comme les hôtes qui doivent partir aujourd’hui.
— Comment va le bébé ?
— Il pleure avec vigueur, madame. Il paraît très robuste.
— Puis-je entrer ?
— Oui, madame. Pardonnez-moi. Entrez, je vous en prie. Vous voulez voir l’autre dame ?
— Oui, répondit Margarida en se retenant de rire. Si tu le permets. Peux-tu m’annoncer ? Dame Margarida. Et s’il te plaît, dis à dame Johana que je lui apporte une lettre de la part de la princesse.
— La princesse ? s’écria l’enfant. Seigneur ! Je vais le lui dire, madame.
Margarida attendit dans le hall d’entrée. La maison s’éveillait. Des portes claquaient, des voix appelaient des domestiques ou s’interpellaient. Elle se rendit compte avec un léger remords qu’après ce mariage qui avait duré tard dans la nuit c’était son arrivée inopportune qui causait ce tohu-bohu. Elle préparait des excuses et des explications quand la petite servante revint et l’emmena en toute hâte vers dame Johana.
Emmailloté dans ses langes, le bébé était
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