Vengeance pour un mort
viens de Valence.
— Alors vous êtes le mystérieux étranger, Martin. Celui qui a organisé une évasion avant d’engager des portefaix pour tuer l’évadé.
— Comment pouvez-vous le savoir ? Qui vous a raconté tout ça ? Non, je ne ferais jamais ça. J’ai simplement aidé l’ami d’un ami à sortir de prison, mais de là à m’en prendre à lui… Qui ferait pareille chose à un ami ?
— Depuis combien de temps vivez-vous en Roussillon ?
— Moins de deux mois.
— Qui étaient les deux autres ?
— L’un d’eux s’appelle Felip.
— Votre hôte le connaît certainement, dit brusquement Esclarmonda.
L’homme sursauta et lança un regard nerveux vers la table où la bougie crachota avant de s’éteindre.
— Jordi – mon ami Jordi, qui était son serviteur – a parlé de Felip et de Martin, poursuivit-elle.
— Nous ne pouvons le déranger, intervint Jacob. Pas en pleine nuit. Il n’est pas assez remis.
— Dites-moi, Martin, demanda David en posant sa longue dague sur la table. Où se cache ce Felip ?
— À cette heure, messire ? bredouilla Martin.
— Oui, à cette heure. Vous avez été capturé, les deux autres se sont échappés. Où est allé Felip ? Vous devez le savoir.
Sa voix était calme et menaçante. Tout en parlant, il reprit sa dague, dont il examina attentivement le tranchant. Martin se ratatinait sur son siège.
— Il doit être dans la maison, dit Martin avant de parler de plus en plus vite, d’une voix qui tendait vers l’aigu. Mais il ne faut pas qu’il sache que je vous l’ai dit. Il y a une maison quelque part au nord, Felip a expliqué que c’est là qu’on irait en cas de problème. Là, nous ne craindrions rien. C’est là qu’il a dû aller.
— Comment vous y seriez-vous rendus ? demanda David en le regardant droit dans les yeux.
— À cheval. C’est à quelques milles de la ville. On a laissé les chevaux avec un serviteur à la limite du Partit.
— Où cela ? insista David avec froideur.
— Sur la route de Vernet.
— Felip a-t-il été blessé ?
— Je l’ignore, fit Martin. C’est possible. Nous étions tous dans le noir, difficile de dire ce qui s’est passé. Quand on a rallumé la bougie, il y avait du sang par terre. Comme ce n’était pas le mien, je pense que c’était le sien.
— Parfait. Cela l’aura ralenti. C’est maintenant mon tour de sortir en pleine nuit, dit David en glissant la dague dans sa botte. Je vous souhaite une bonne nuit… et une conversation très enrichissante.
La porte du cabinet s’ouvrit et se referma. Ses bottes claquèrent sur le dallage du couloir. Quand il ouvrit la porte d’entrée, les cloches sonnaient les laudes. Les deux tiers de la nuit s’étaient écoulés.
David prit sa mule, monta en selle et s’engagea sur la route du nord. Il partit à toute allure, mais il ralentit en approchant de la route de Vernet. D’abord, il n’avait aucun désir de prévenir sa proie, qui montait certainement une bête plus rapide que la sienne. Ensuite, il ne savait exactement que faire. Sous sa cape de voyageur, il portait une épée en plus de sa dague et, bien qu’assez furieux pour s’en servir, il n’était pas assez fou pour mettre sa vie en danger la nuit même de ses noces.
La route était déserte aux abords de la Têt, au nord de la ville. Et puis, devant lui, sur le pont, David aperçut trois silhouettes à cheval dans la pâleur de la lune. L’homme sans nom, Felip, ce méprisable individu, et le serviteur. Trois contre un. Il ralentit sa mule pour qu’elle aille au pas, mit discrètement pied à terre et la laissa au bord de la route, dans l’ombre. Il avança en prenant soin de ne pas être éclairé par la lune.
Les trois hommes descendirent de leurs montures afin, semblait-il, d’avoir une conversation assez animée quoique chuchotée. Une ombre noire détourée par la lune se tenait près des chevaux, une autre avait les poings sur les hanches et la troisième appuyait chacun de ses mots de gestes nerveux. David était à présent tout près du pont. En douceur, il se laissa glisser vers la rivière dans l’espoir de s’approcher assez pour entendre ce qu’ils disaient et mieux les voir.
Les murmures cessèrent.
— Non ! lança une voix, déchirant le silence de la nuit troublé seulement par la caresse de l’eau sur les galets.
David leva les yeux mais il ne vit rien. Et puis, il entendit un grand plouf légèrement en
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