Vengeance pour un mort
une autre propre et de se reposer.
Quand elle trouva la chambre qu’elle devait partager avec Bonafilla, la fiancée était encore là, allongée sur le lit et contemplant le plafond.
— Tout le monde est dans la cour, dit-elle d’un ton joyeux. Quelle belle soirée…
Pas de réponse.
— Nous devrions peut-être aller faire un tour avec quelqu’un de la famille, reprit Raquel. Sortir nous serait profitable. Ce sera intéressant de voir la ville, vous ne trouvez pas ?
— Je ne veux pas aller me promener avec la famille, dit Bonafilla qui daignait enfin parler. Je refuse de les affronter.
— Que voulez-vous dire par là, les affronter ? répliqua Raquel avec impatience. Ce ne sont ni des monstres ni des assassins, que je sache.
— Cela m’est impossible. Ne pourriez-vous prier papa de m’excuser ? Dites-lui que je ne viendrai pas souper.
— Non, Bonafilla, il n’en est pas question. Que va penser David si vous refusez de descendre ?
— Il pensera ce qu’il veut. Je m’en moque, dit-elle avant de se remettre à pleurer.
— Pourquoi donc… commença Raquel, qui abandonna.
— Vous m’avez demandé quelque chose ? fit Bonafilla, tout entière préoccupée d’elle-même. Je n’ai pas entendu.
Comme la fin de sa question était « vous conduisez-vous comme une sotte », Raquel dit la première chose qui lui passa par la tête.
— Je voulais seulement savoir s’il ressemblait à son frère. Si tel est le cas, ajouta-t-elle, il doit être plutôt plaisant à regarder.
— Je l’ignore. Je ne l’ai pas encore vu. Je ne pouvais pas dîner, alors je suis restée ici.
Raquel poussa un soupir d’exaspération.
— Franchement, Bonafilla, je ne comprends pas ce que vous voulez. Vous devez descendre. Vous n’avez pas mangé depuis le déjeuner et vous manquez de courtoisie à l’égard de sa famille. Il vous faut au moins rencontrer David. Comment pouvez-vous refuser de l’épouser – si c’est bien ce que vous souhaitez – alors que vous ne l’avez vu ni ne lui avez parlé ? Personne ne le comprendra.
Et moi non plus, ajouta-t-elle pour elle-même.
— Oh, Raquel, je n’ai plus le choix, gémit la jeune fille. Je vais devoir l’épouser.
— Que dites-vous ?
— Après ce qui s’est passé… je veux dire… nous avons beaucoup voyagé et ils ont fait des préparatifs. Je ne peux plus refuser.
— Je ne comprends pas pourquoi vous ne pourriez le refuser. Ce serait gênant et affligeant, mais nullement impossible. Mais il vous faut d’abord le rencontrer.
— Si je descends, me promettez-vous de rester auprès de moi ?
— Quand je le pourrai, Bonafilla. Rappelez-vous qu’il y a un homme très malade dans cette maison et que j’aide mon père à le veiller.
— Je me demandais où vous vous trouviez. J’aurais voulu vous parler plus tôt. Mais qu’a-t-il donc ? Oh, appelez Ester, je vous prie. Elle m’aidera à m’habiller.
Le souper fut servi dans la cour, sur une longue table couverte d’étoffes brodées et de plats de fête. Raquel jeta un coup d’œil à leur hôtesse et se dit que c’était trop lui demander que d’accueillir tant d’invités avec si peu d’aide. Ruth avait l’air pâle et misérable, et Raquel en avait mal pour elle. Harassée, la cuisinière apporta les derniers plats et d’autres carafes de vin, assistée si l’on peut dire par un gosse d’une dizaine d’années et une souillon de douze ans. Raquel s’approcha doucement de son hôtesse.
— Puis-je vous aider en quoi que ce soit ? Nous sommes si nombreux…
La jeune femme sursauta et rougit.
— Je n’ai pas l’habitude d’une telle compagnie, répondit-elle. J’ai toujours vécu paisiblement, mais je suis satisfaite. Tout se passerait bien, d’autant plus que vous aidez aux soins du patient, si ma servante, Eva, n’était pas tombée malade. C’est l’inattendu qui rend la vie difficile.
— Votre servante est souffrante ? Et vous devez vous occuper de nous tous ? Je l’ignorais, pardonnez-moi. Vous pouvez avoir Leah. Ce n’est pas une dame de compagnie, vous savez. Elle peut tout faire, même aider à la cuisine. Ma mère lui a demandé de me suivre non pas pour me coiffer ou défaire ma robe, mais parce qu’elle ne voulait pas me voir revenir seule à Gérone.
— Si elle est vive, elle me sera d’une grande aide, dit maîtresse Ruth. Saurait-elle s’occuper du bébé ?
— Certainement. Elle prend soin de mon
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