Vengeance pour un mort
sinon…
— Croyez-vous vraiment qu’il ne m’épouse que pour ma dot ? demanda la jeune fille.
Raquel la dévisagea.
— Ne soyez pas stupide. Vous ne pouvez lui demander de vous aimer passionnément, pas encore tout au moins. Il a voulu vous épouser parce qu’il a vu votre portrait, rencontré votre père et vos frères, des hommes fort agréables, et entendu dire beaucoup de bien de vous. Et, nul doute à ce sujet, parce que votre dot répond à ses besoins. Il pense que vous êtes une femme qu’il peut aimer. Mais ce n’est en aucun cas un jeune homme pauvre qui cherche à améliorer sa fortune par le biais du mariage. Est-ce là ce qui n’a cessé de vous troubler ?
Bonafilla prit Raquel par le bras quand elles traversèrent la place et elle la tira doucement comme pour lui parler à l’oreille.
— Maîtresse Bonafilla ! Maîtresse Raquel ! cria-t-on derrière elles. Attendez-moi !
Elles se retournèrent et virent leur hôtesse, chargée de provisions et essoufflée, qui traversait elle aussi la place.
Dès qu’elles furent entrées dans la maison, Bonafilla se hâta de regagner sa chambre, laissant Raquel seule avec Ruth qu’elle aida à porter son lourd panier dans la cuisine.
— Ce n’est pas le moment de permettre aux serviteurs de se promener, dit Ruth en souriant. Et c’est la maîtresse de maison qui se retrouve à faire les commissions.
— Vous n’allez tout de même pas y envoyer la cuisinière, dit Raquel en entrant dans la cuisine. Une servante de cette qualité se doit de rester à ses fourneaux tant qu’on a besoin d’elle.
La cuisinière esquissa une révérence devant le compliment mais, au lieu de voir ce que sa maîtresse avait acheté, elle s’adressa à un personnage demeuré discret jusqu’ici.
— Jacinta, occupe-toi du panier.
À la grande surprise de Raquel, une fillette quitta le coin de la cheminée pour vider les courses.
— Merci, maîtresse, dit-elle en se mettant au travail.
— Qui est-ce ? demanda Raquel quand elles revinrent dans la cour. Je ne l’ai pas vue hier.
— Elle est arrivée ce matin pendant que vous étiez sortie.
— Quelle chance vous avez !
— Peut-être, oui, mais je n’en suis pas certaine. Le Seigneur sait à quel point j’ai besoin d’une paire de mains de plus, ajouta Ruth en guise d’explication. Mais comment puis-je accueillir une telle enfant ?
— Qu’a-t-elle donc ? Elle me paraît agréable et courageuse. Et plus propre que la plupart des autres gamins.
— Mais, maîtresse Raquel, sa mère est une prostituée, et elle a grandi dans une petite pièce voisine de celle où…
— Cela mis à part, comment se comporte-t-elle au travail ?
— Bien. La cuisinière apprécie sa vivacité et je crois qu’elle n’a pas arrêté depuis son arrivée. Mais dès que mon Eva sera de retour et que la noce sera terminée, je n’aurai plus besoin d’elle. Bonafilla veut garder Ester auprès d’elle et, dans cette maison, elle n’aura rien à faire sinon coiffer sa maîtresse. Mais de là à ce qu’une gamine comme Jacinta prépare à manger ou surveille les enfants !
— Pensez à tous ceux qui ont de fidèles serviteurs dont les mères étaient esclaves. C’est pratiquement la même chose.
— Non, c’est différent. Les esclaves n’ont pas le choix.
— Quoi qu’il en soit, le moment n’est pas venu de prendre une décision, dit Raquel. Attendez que le mariage soit passé.
— Vous avez raison. Je verrai plus tard. Mais je vous en prie, excusez-moi un instant. Je dois me remettre à l’ouvrage. Je n’ai pas eu le temps de finir la robe du bébé.
Loin des murailles de la ville, trois cavaliers venus de trois points différents convergèrent vers un bosquet attrayant, où ils firent halte. Deux d’entre eux mirent pied à terre et se dirigèrent vers celui resté en selle. Il y avait là un grand individu de belle allure mais l’air rude, et un petit homme qui se déplaçait sur le terrain rocailleux avec l’agilité d’un cerf. Les arbres se dressaient au-delà d’un chemin de terre, loin des routes fréquentées ; bien que situé près de la ville, cet endroit était idéal pour qui voulait paresser une heure ou deux.
Le cavalier avait abaissé sa capuche sur son front et il tenait un mouchoir de soie devant sa bouche comme si ses dents le faisaient souffrir.
— Pourquoi m’avoir arraché à mes devoirs ? demanda-t-il.
Il les toisa : la colère
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