Vengeance pour un mort
maisons.
— Alors, comment va-t-il ? demanda le médecin.
— Il dort la plupart du temps, seigneur. Je regrette de ne pas avoir pris de livre avec moi. J’aurais pu consacrer tout ce temps à l’étude étant donné qu’il a rarement besoin de moi.
— Je te suggère d’aller trouver maître Jacob et de lui demander si tu peux lui emprunter un ouvrage. Je resterai assis auprès du patient pendant qu’il mange. Peux-tu l’aider, Jacinta ?
— Je l’ai déjà fait, seigneur, répondit la fillette.
— Dois-je le réveiller avant de partir, seigneur ? s’enquit Yusuf, qui posait des regards étonnés sur Jacinta.
— Doucement, Yusuf.
— Inutile, fit une voix depuis le lit. Je suis réveillé. Hola, Jacinta. Que fais-tu ici ?
— C’est ma maman qui m’a envoyée. Pour aider maîtresse Ruth.
— C’est une enfant remarquable et pleine de ressource, maître Isaac, dit le patient. Ils ont de la chance de l’avoir auprès d’eux. Que m’as-tu apporté ?
— Du bouillon, señor, avec un œuf battu et du pain.
— Approche le bol de mes lèvres et je vais essayer de boire.
Il prit le morceau de pain de la main gauche et le trempa dans le bouillon épais avant de manger goulûment.
Tandis qu’Isaac attendait, le malade termina le bol. La petite souillon le récupéra, fit la révérence et s’en retourna à la cuisine. Le médecin put enfin se tourner vers son patient.
— Vous me semblez en meilleure forme qu’hier, dit-il.
— J’ai faim et, même si tout mon corps est douloureux, rien ne m’empêchera de manger et de dormir.
— Avez-vous mal quand vous respirez ?
— Oui, mais respirer vaut mieux qu’être mort, n’est-ce pas ?
— Si vous parvenez à plaisanter, señor, vous êtes décidément en meilleure santé qu’hier. J’aimerais à présent savoir comment vous vous êtes mis dans pareil état. Épargnez-moi, je vous prie, l’histoire de la mule et du sentier de montagne. Vous pourriez peut-être commencer par m’expliquer comment vous êtes devenu disciple des cathares.
— Les cathares ? Moi ? Comment êtes-vous parvenu à une telle conclusion, maître Isaac ? Je ne crois pas en avoir jamais rencontré un seul. Je me souviens que mon grand-père me parlait d’eux, d’un prêtre qui était cathare et aussi d’un marchand qu’il connaissait bien. Mais c’était voici nombre d’années. Il n’y en a plus beaucoup par ici. Depuis longtemps.
— N’est-ce pas ce que dirait un cathare ?
— C’est aussi ce qu’un bon chrétien – ou un bon juif, je suppose – dirait aussi. Car c’est la vérité.
— Les gens d’ici croient que vous êtes cathare et que vous êtes descendu des montagnes avec de sinistres intentions.
— Si ce n’était aussi dangereux, ce serait presque amusant. Mais Dieu m’est témoin, maître Isaac, je jure que je ne suis pas cathare. Il est même possible que je trouve des témoins pour confirmer mes dires.
— Nous ne vous ennuierons pas avec ça. Mais cela m’aiderait de connaître la vérité. Une partie, tout au moins. Puisque vous n’êtes pas cathare, qu’êtes-vous ?
— Vous croyez que je vous ai menti, maître Isaac ?
— Je crois surtout que vous avez négligé de me dire ce que j’ai besoin de savoir.
— Croirez-vous que j’ai des ennemis ? Et que mon silence s’explique ainsi ?
L’homme s’arrêta pour reprendre péniblement son souffle.
— Il y a de l’eau sur la table, à côté de votre main droite, maître Isaac. Je ne puis l’atteindre sans effort.
Isaac trouva la table, qu’il effleura délicatement de ses doigts jusqu’à ce qu’il eût trouvé le gobelet. Il le porta dans la direction de la voix du patient.
— Je le tiens, dit le patient avant de boire.
Il le rendit au médecin et attendit.
— Je n’ai jamais imaginé qu’un ami pût vous faire subir pareil traitement, reprit Isaac.
— Puisque vous vous satisfaites d’une partie de mon histoire, je vais vous en raconter une parcelle. Je suis trop fatigué pour tout dévoiler.
— Je serai heureux d’entendre une parcelle de vérité. Commençons par votre chemise, señor. J’avoue qu’elle me surprend.
— Ma chemise, maître Isaac ? Qu’a-t-elle donc d’étonnant ?
— Selon ma fille, elle détonne avec le reste de votre appareil.
— Vous ai-je dit que, bien que pauvre moi-même, j’ai épousé une femme riche ? C’est pour cette raison que j’ai des
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