Victoria
l’année, leur sont un bain de jouvence : Garmaddie Woods, Craig Gowan, Corrie Buie... Pour traverser la Dee où les hommes ont de l’eau plus haut que le genou, Victoria est portée dans un plaid enroulé aux épaules de deux serviteurs en kilt, un bras autour du cou de Brown et l’autre sur celui de Duncan. Ces jours trop brefs passent comme un rêve.
« 18 septembre 1858. Hélas ! Le dernier jour ! Quand nous nous sommes levés, le temps semblait désespéré. Tout était blanc de neige, il y en avait au moins un pouce sur le sol et il continuait de neiger lourdement, sans discontinuer depuis 5 heures ce matin. J’aimerais que nous soyons bloqués par la neige, incapables de partir. Comme j’aurais été heureuse s’il avait pu en être ainsi ! Il neigea encore jusqu’à 10 heures et demie, 11 heures, puis le temps commença de se lever. »
De retour aux affaires de l’État, la reine confie à Lord Malmesbury la rédaction de sa proclamation aux « princes, chefs et peuples de l’Inde ». Elle insiste pour qu’il ne perde jamais de vue que ce doivent être les mots d’« une femme souveraine qui s’adresse à cent millions de sujets orientaux, au moment où elle assume de les gouverner directement, après une sanglante guerre civile, en leur faisant des promesses que son règne futur accomplira ». De plus, elle souhaite mettre l’accent sur les idées de générosité, de bienveillance, de tolérance religieuse, de liberté et d’égalité devant la loi. Quand enfin, le 1 er novembre 1858, Victoria prononce cette proclamation, c’est de l’aveu de tous une Magna Charta de l’Inde. Par un texte clair et précis, elle nomme Charles John vicomte Canning premier vice-roi de l’Inde. Elle confirme notamment les anciens traités et les droits d’héritages ancestraux, ouvre tous les emplois, civils et militaires, à tous, sans distinction de race ni de religion, promet la clémence et la justice...
« Nous nous considérons liée envers les natifs de nos territoires indiens par les mêmes obligations et devoirs qui nous lient à tous nos autres sujets, et ces obligations, par la grâce de Dieu Tout-Puissant, nous les accomplirons fidèlement et consciencieusement.
« Nous reposant fermement nous-même sur la vérité du christianisme, et reconnaissant avec gratitude la consolation de la religion, nous déclinons de même le droit d’imposer nos convictions à aucun de nos sujets. Nous déclarons notre volonté et plaisir royal que nul ne soit en aucune manière favorisé, ni molesté ou inquiété à cause de sa foi ou de ses convictions religieuses, mais que tous sans exception bénéficient de la protection égale et impartiale de la loi, et nous chargeons et enjoignons strictement tous ceux qui viendraient à exercer une autorité sous la nôtre de s’abstenir de toute ingérence dans les croyances ou cultes religieux d’aucun de nos sujets, sous peine de notre plus grand déplaisir. »
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« Si tu savais que Papa me gronde (comme il dit) parce que je te demande d’écrire ! Mieux encore, il dit que je t’écris bien trop souvent et que ce serait mieux si je ne t’écrivais qu’une fois par semaine ! »
En vérité, l’entourage de la princesse s’émeut de ce que Victoria, par ses lettres trop insistantes, cherche à préserver son autorité sur sa fille. Certaines personnes pensent que la reine lui donne des conseils qu’il ne saurait être judicieux pour elle de suivre. Le fils de Stockmar, en poste dans la maison de Fritz, en a informé son père, qui en a parlé à Clarendon quand il est venu en visite officielle à Berlin. Outrée de l’apprendre, Victoria se fâche contre Stockmar et Albert. Elle ne manque pas de voir, dans cette attaque contre leur solidarité féminine, une forme insidieuse de l’oppression des femmes par les hommes.
« J’espère que Fritz est convenablement choqué par tes souffrances, car ces hommes, très égoïstes, ne supporteraient pas un seul instant ce que nous, pauvres esclaves, endurons. »
Il lui est particulièrement odieux de se voir ainsi reprocher le soutien qu’elle apporte à sa fille, dans ce moment de la maternité où les femmes sont mises à si rude épreuve. Car c’est un sujet qui ne peut être évoqué qu’entre femmes mariées. Elle ne peut certainement pas parler de l’état de Vicky avec ses sœurs.
« Il n’est pas convenable de parler de ces questions aux enfants, car cela les initierait
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