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Victoria

Victoria

Titel: Victoria Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Joanny Moulin
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à des choses dont ils ne doivent rien savoir. »
    Quant à s’en ouvrir à des personnes de moindre rang, c’est tout simplement impensable. « Une dame, à plus forte raison une princesse, ne serait pas digne de son mari ni de sa position si elle faisait cela. » Les relations de la reine avec sa propre mère, la duchesse de Kent, n’ont jamais été de nature à permettre de telles conversations. Victoria poursuit évidemment sa correspondance avec sa fille comme si de rien n’était. Cette absurde anicroche n’a fait qu’exaspérer un peu plus son ressentiment contre la gent masculine, et cela n’arrange pas les affaires du prince de Galles.
    « Pauvre Bertie ! Il nous fâche beaucoup. Il n’a pas une once de réflexion, ni même d’attention à quoi que ce soit d’autre que les vêtements ! Pas le moindre désir d’apprendre, au contraire, il se bouche les oreilles dès l’instant que l’on aborde un sujet intéressant ! »
    Moins précoce que Vicky, Bertie souffre depuis toujours de cette différence, aggravée de la préférence marquée de ses parents pour sa sœur aînée. Quels que soient ses efforts, son manque de dispositions pour le labeur intellectuel entraîne des charges de travail sans cesse accrues. Le goût qu’il a de se divertir lui vaut les constants reproches d’Albert et la condescendance de Victoria. Quand il a besoin d’affection, il n’obtient que mesures disciplinaires et leçons de morale. Alors Bertie s’évade comme il peut. Il s’habille comme un dandy, adopte d’excentriques coiffures à la mode qui lui donnent l’air d’être « tout en visage et sans crâne », fume d’affreux cigares, préfère le jeu, les courses et les potins mondains à l’étude, la littérature ou les beaux-arts.
    « Même quand il chasse, soupire sa mère, il s’occupe davantage de ses pantalons que du gibier ! »
    Pour son dix-septième anniversaire, le 9 novembre 1858, la reine et le prince consort lui ont écrit une lettre d’une inhabituelle douceur. Certes, fidèles à eux-mêmes, ils l’exhortent une fois de plus à « aimer son prochain comme soi-même » sur le mode de qui aime bien châtie bien. « La vie est faite de devoirs, et c’est dans leur accomplissement scrupuleux, ponctuel et dans la bonne humeur que l’on reconnaît le vrai chrétien, le vrai soldat et le vrai gentleman. » Cela dit, ils reconnaissent que, tout juste un an avant sa majorité, il est devenu un jeune homme. Ils déclarent aussi que le directeur de ses études, Mr Gibbs, qui depuis deux ans lui inflige sans merci un bachotage obtus, a échoué dans sa mission. Il sera donc remplacé par le colonel Robert Bruce, pour qui Bertie a une grande amitié. Toutefois, le prince devant apprendre à répondre de lui-même, il sera désormais responsable directement devant ses parents. Bertie est tellement ému de cette expression de tendresse parentale, que les larmes coulent d’abondance sur ses joues quand il montre la lettre au doyen de Windsor, le général Wellesley. Son émancipation est néanmoins toute relative, car on lui a aussi adjoint trois écuyers, dont deux héros décorés de la Victoria Cross qui devront faire des rapports quotidiens sur son comportement.
    Le plus grand désir du prince de Galles est d’épouser la carrière militaire, non pas dans la marine, comme son frère Alfred, mais bien dans l’armée. La reine s’y oppose fermement : « Il ne peut pas faire le métier , mais tout au plus il pourrait l’apprendre. » Pour ses 17 ans, il se voit conférer le grade de lieutenant-colonel à titre honoraire, sans examen et sans affectation. C’est une déception pour Bertie qui aurait voulu gagner ses galons au mérite, tout comme son beau-frère Fritz. Ses parents l’en estiment incapable. C’est malgré tout dans des circonstances un peu moins oppressantes qu’il s’en va rendre visite à sa sœur en Allemagne, non sans être précédé de quelques lettres de sa mère.
    « Je suis très désireuse qu’il ait quelques occupations mentales à Berlin. Peut-être pourrais-tu lui faire partager quelques-unes des tiennes : conférences, etc. »
    Pourtant, Bertie n’est pas dépourvu de talents. Il a surtout celui de se faire apprécier en société. Malheureusement, ce charme naturel, ces facilités de conversation, ces qualités de bon vivant qui sont les siennes ne sont guère en odeur de sainteté à la cour. Victoria et Albert répugnent à ces

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