Victoria
d’Albert, Ernest I er de Saxe-Cobourg, lui-même disparu en 1844. Victoria et Albert, accompagnés d’Alice, partent pour l’Allemagne. À Anvers, le roi des Belges Léopold I er les attend. Il leur remet un télégramme du frère d’Albert, Ernest II, souverain de Saxe-Cobourg-et-Gotha : « Maman Marie » se meurt. En arrivant à la gare de Francfort, ils sont accueillis par une garde d’honneur : la duchesse Marie n’est plus. À l’hôtel d’Angleterre, ils revêtent leurs habits de deuil. Le lendemain, le train spécial remonte interminablement les méandres de la vallée du Main, par Wurzbourg, Schweinfurt, Bamberg, jusqu’à Lichtenfels. Cobourg est plongé dans un silence funèbre. Victoria tremble sous ses longs voiles noirs. Stockmar est là, qu’ils trouvent bien vieilli. Vicky et Fritz les rejoignent avec le petit Willy, un bel enfant potelé aux cheveux bouclés, que ses grands-parents voient pour la première fois. Les funérailles de la duchesse inondent de mélancolie les nostalgiques retrouvailles d’Albert avec son pays natal. Leurs pèlerinages sur les lieux de son enfance se succèdent dans un engourdissement de tristesse.
Le 1 er octobre 1860, Victoria écrit dans son journal : « Avant de poursuivre, je dois remercier Dieu d’avoir préservé mon adoré ! Je tremble d’y penser. Qu’il en ait réchappé est un miracle très miséricordieux ! » Prévenue par le colonel Ponsonby, écuyer du prince, elle a trouvé Albert allongé sur un lit, veillé par son valet Löhlein, une compresse de lin sur sa figure tuméfiée. En revenant du château de Kalenberg, les chevaux se sont emballés, fonçant sur un fourgon. Voyant la collision inévitable, Albert a sauté de la voiture. Fortement contusionné et écorché au visage, mais conscient, il s’est précipité au secours du cocher de l’autre véhicule. Le Dr Florschütz, médecin du duc Ernest, se montre rassurant. Albert est seulement choqué. Craignant que de fausses nouvelles ne se propagent, la reine envoie des télégrammes à Londres. Bientôt les messages de sympathie de diverses familles d’Europe affluent, parmi lesquels des dépêches de Napoléon III et d’Eugénie.
Victoria, très ébranlée, manifeste son émotion par un calme extrême. L’événement qui vient de la frapper revêt à ses yeux une signification religieuse. Elle tient à marquer sa reconnaissance, en souvenir de ce qu’elle considère comme une grâce de la Providence divine. Aussi, elle décide de créer à Cobourg une Victoria-Stift , une bourse de charité de 1 000 ou 2 000 livres, qui récompensera chaque année les jeunes gens de classe modeste, hommes et femmes, au comportement exemplaire.
Les jours suivants, le temps se gâte et une pluie froide tombe sans relâche sur Cobourg. La mélancolie du deuil de la duchesse Marie, aggravé par cet accident de mauvais augure, ankylose les âmes. Les jeux innocents du petit Willy apportent les seules éclaircies de ces jours maussades. Albert est atteint dans son moral. Tandis qu’il regarde par la fenêtre ces lieux qu’il aime tant, les larmes coulent sur ses joues.
« Je sais bien, dit-il à son frère Ernest, que je ne reviendrai pas ici de mon vivant. »
Victoria s’approche. Il est fatigué, ce choc l’a bouleversé, c’est bien naturel. Il a besoin d’un peu de repos, voilà tout. Quoi qu’il en soit, ses idées noires ne le quittent pas.
Les paysages d’Allemagne défilent derrière les vitres ruisselantes, tandis que le train redescend la vallée du Main vers Francfort, Wiesbaden, puis celle du Rhin jusqu’à Coblence. La princesse de Prusse, la belle-mère de Vicky, les y attend avec le prince Frédéric I er , duc de Bade. Ils voudraient les emmener en promenade sur les bords du Rhin et de la Moselle. Malheureusement, Victoria et Albert ont pris froid, et la grêle rivalise avec la pluie. Deux jours plus tard, ils poursuivent leur voyage vers Cologne ; là, le régent Guillaume vient les accompagner jusqu’à Aix-la-Chapelle, où les Prussiens prennent congé. À Verviers, le roi Léopold les trouve dans un état de santé inquiétant. Ils peuvent à peine marcher. Victoria, souffrant de fièvre et de maux de gorge, rejoint péniblement sa chambre, où Lady Churchill lui lit à haute voix quelques chapitres du Moulin sur la Floss . Le mauvais temps immobilise encore le Victoria & Albert pendant quelques jours à Anvers, avant qu’ils puissent enfin
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