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Victoria

Victoria

Titel: Victoria Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Joanny Moulin
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navire américain a intercepté le Trent de son propre chef, sans instructions supérieures. Puis il l’apporte à Victoria pour qu’elle y appose sa signature.
    « Je suis si faible, dit-il, que je pouvais à peine tenir la plume. »
    Quelques jours auparavant, des télégrammes sont arrivés de Lisbonne, annonçant le décès de deux cousins d’Albert : le prince Ferdinand, puis le roi Pedro V. Tous deux sont morts de la typhoïde. Ces nouvelles produisent sur Albert un choc émotionnel considérable. Aussi, les médecins décident de ne pas lui dire que sa maladie présente des symptômes comparables. Lord Methuen et le général Seymour sont rentrés du Portugal dans l’intervalle. Peut-être portaient-ils les germes du mal.
    Serait-ce la « fièvre de Windsor », qui hante ces lieux mal assainis et nauséabonds ? Le duc de Cambridge a souvent prévenu le prince consort : « Vivre ici tuera Votre Altesse Royale. Il faut quitter Windsor et aller en Allemagne, le temps de vous rétablir. »
    Le Dr Jenner connaît bien la question : c’est à lui que l’on doit la distinction entre le typhus et la typhoïde. Comme ses confrères, il hésite à émettre ce diagnostic. Il n’y a pas d’autre cas de cette maladie contagieuse dans l’entourage immédiat d’Albert. Par précaution, néanmoins, le prince Léopold, que son hémophilie fragilise, est envoyé sur la Riviera.
    Victoria a lu le roman de Wilkie Collins, La Dame en blanc , dont l’héroïne manque mourir de la fièvre typhoïde à cause de l’ignorance de ses médecins : au dixième jour, la température tombe. La reine attend avec impatience ce moment salutaire, qui ne se produit pas. Albert a des accès de délire. Les enfants se relaient dans sa chambre pour lui faire la lecture. Alice lui sert d’infirmière. Quand elle ne lui prodigue pas des soins, elle lui chante des hymnes luthériens en s’accompagnant au piano, comme Une forteresse puissante est notre Dieu . Albert l’interrompt vite : il ne supporte pas longtemps la musique. Le soir, Victoria lui lit à haute voix quelques pages du roman de Walter Scott Péveril du Pic .
    Palmerston demeure à Windsor, inquiet, s’affairant malgré ses infirmités. Il a proposé à Sa Majesté de faire venir d’autres médecins, mais elle s’y est farouchement opposée. Le Premier ministre revient à la charge. Enfin, on appelle le Dr Watson, médecin extraordinaire de la reine, et le vieux Dr Holland, qui affirme que les délires du prince, bien qu’angoissants, sont sans gravité réelle. Faute de mieux, on tente de calmer Albert avec du brandy. Il expectore de grandes quantités de mucus, frissonne, respire d’un souffle haletant, sans cesse en proie à d’absurdes inquiétudes. Puis il se lève et déambule dans les couloirs de Windsor, gesticulant, riant, délirant.
    Il a voulu s’installer dans la chambre Bleue, où George IV et Guillaume IV sont morts. On a tiré son lit devant la fenêtre, pour qu’il puisse regarder passer les nuages. Il croit entendre chanter les oiseaux de son pays natal, à Rosenau. Tout à coup Alice s’inquiète : il ne lui répond plus.
    « Tu dormais ?
    — Non, mais mes pensées étaient si heureuses que je ne voulais pas les chasser. Que disais-tu ? »
    — J’ai écrit à Vicky que tu es très malade.
    — Tu as eu tort. Il fallait lui dire que je suis mourant. Oui, je suis mourant ! »
    Alice appelle sa mère. Il essaie de lui répéter la même chose, mais Victoria l’interrompt par ses pleurs, s’écriant qu’elle ne comprend pas ce qu’il lui dit.
    Puis Albert se redresse et se recoiffe, comme d’habitude avant de sortir.
    « Étrange ! dit Victoria. Comme s’il se préparait pour un autre grand voyage. »
    La reine sort de la pièce, s’effondre en sanglots dans les bras de Lady Augusta Bruce, puis dans ceux de Sir Charles Phipps. Pleurer lui fait un peu de bien. Elle se ressaisit et retourne au chevet d’Albert.
    «  Gutes Weibchen !  » dit-il en la fixant tendrement.
    Bertie vient d’arriver à Windsor. Il entre dans la chambre Bleue. On craint que sa vue ne bouleverse son père. Mais non : Albert regarde fixement devant lui, l’air absent.
    Tandis que Victoria et les enfants se retirent pour la nuit, les généraux Grey, Bruce et Biddulph éloignent le lit de la fenêtre pour le ramener au centre de la pièce. Albert se lève et fait mine de s’en aller. Ils le recouchent doucement.
    Au matin du

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