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Victoria

Victoria

Titel: Victoria Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Joanny Moulin
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Hastings, comtesse de Loudoun et issue d’une famille notoirement tory. Au cours de la grande tournée qu’il organise pour Victoria en 1832, Conroy prend soin de faire demander l’hospitalité dans des demeures de la noblesse. Tantôt la princesse est accueillie dans des maisons whigs, comme Woburn ou Plas Newydd. Tantôt elle descend dans des résidences tories, comme Belvoir ou Euston.
    Pendant de longs mois, Victoria voyage à travers les Midlands et le pays de Galles. L’épidémie de choléra qui se répand cette année 1832 dans le peuple n’est pas inquiétante outre mesure. La princesse fait étape dans les châteaux de Powys et de Caernavon, mais aussi chez le comte de Liverpool à Pitchford, le duc de Devonshire à Chatsworth. Elle est reçue par Lord Grovesnor à Eaton Hall, Lord Shrewsbury à Alton Towers. À Chester, où elle réside à Wytham Abbey, elle inaugure le nouveau pont sur la Dee. Sur le chemin du retour, elle s’arrête à l’université d’Oxford, où Conroy se voit remettre au passage un doctorat honoris causa . Dans les villes et les villages où elle passe, on a dressé pour elle des petits arcs de triomphe, décorés de fleurs, de drapeaux et de rubans. Les troupes locales de yeomen font des haies d’honneur au son des fanfares, et les maires lisent des discours.
     
    Le 31 juillet 1832, elle reçoit un cahier, pour y tenir le journal de son voyage au pays de Galles. Elle inscrit cela sur la première page, avec son nom. Chaque jour, ses rédactions au crayon de bois sont relues par la duchesse de Kent, avant d’être repassées à l’encre par la baronne de Lehzen. Certains détails insignifiants de son existence côtoient, par exemple, ces impressions saisissantes du pays de Galles, relevées le 2 août :
    « Nous venons juste de changer de chevaux à Birmingham où j’étais venue il y a deux ans et nous avons visité les usines qui sont très curieuses. Il pleut très fort. Nous avons traversé tout à l’heure une ville où il y a toutes les mines de charbon et on voit de loin le feu qui luit dans les machines en de nombreux endroits. Les hommes, les femmes, les enfants, la campagne et les maisons sont tout noirs. Mais je ne peux pas décrire cela assez bien pour donner une idée de son apparence étrange et extraordinaire. Tout le pays est très désolé : il y a du charbon partout, et l’herbe est très abîmée et noire. Je vois en ce moment un bâtiment extraordinaire qui lance des flammes. Le pays est toujours noir, avec des machines enflammées, des charbons, en abondance, partout, des tas de charbon qui fument et qui brûlent, entremêlés de huttes misérables et de charrettes et de petits enfants en guenilles. »
    Victoria vit dans un monde parallèle. Quand ce ne sont pas les lettres de Mme de Sévigné, elle lit les poèmes romantiques de Thomas Gray, William Cowper ou William Goldsmith, qui dépeignent la vie des humbles en termes bucoliques et sentimentaux. Elle aime les poésies de Walter Scott, qui évoquent une Écosse ancienne ou un Moyen Âge légendaire. La Conquête de Grenade de Washington Irving, dont elle se figure les personnages sous les traits basanés de quelques visiteurs indiens ou perses aperçus au palais de Kensington, la font rêver d’un Orient imaginaire. Le dessin, qui la passionne, arrime son regard à des sujets pittoresques, arbres et bateaux, animaux et danseuses de ballet, enfants et paysans.
     
    En août 1832, Léopold, roi des Belges depuis deux ans, épouse Louise-Marie d’Orléans, la fille aînée de Louis-Philippe. Pour Victoria, cette nouvelle accentue son sentiment d’isolement. Les départs successifs de Feodora, Charles, Léopold et de la baronne de Späth la laissent bien seule avec sa chère Lehzen. Conroy persiste à vouloir briser sa volonté, la faire plier, la contraindre à le reconnaître officiellement comme son secrétaire particulier. Victoria le hait. Elle tient rigueur à sa mère de céder à cet homme vil et de s’allier avec lui contre elle. Réprobation silencieuse : la mère et la fille ne s’adressent plus la parole que pour échanger des banalités.
    La princesse n’a guère d’amies de son âge. Elle ne tient pas du tout à la compagnie de Victoire, la fille de Conroy. La conscience qu’elle a de son rang, constamment rappelée par la présence d’une adulte qui la surveille jour et nuit, l’isole immanquablement. Elle a pour seule confidente Louise Lehzen, elle-même soumise

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