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Victoria

Victoria

Titel: Victoria Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Joanny Moulin
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celui d’un triomphe, dont la réception par Sa Majesté ne constitue pas la moindre étape.
    Pour atteindre aux sommets de la perfection, le festin de l’hystérie populaire doit s’accommoder d’un soupçon de scandale. Un pamphlet corsé fournit l’épice. L’auteur, un certain Alexander Robertson, prétend faire des révélations sur la vie privée de Victoria. Il affirme que John Brown a ses entrées à la chambre de la reine « quand la maison dort » et qu’elle l’aurait épousé morganatiquement. Robertson ajoute que la reine aurait accouché d’un enfant de Brown. Tout cela se serait passé lors d’un voyage en Suisse, en 1868. Lady Ann Murray, duchesse d’Atholl, que le pamphlétaire compromet, nie tout en bloc avec la plus grande fermeté. Le Lord Chancelier et le ministre des Affaires étrangères envisagent d’intenter des poursuites en diffamation. Le calomniateur n’en étant pas à son coup d’essai, il est finalement traité par un silencieux mépris. Peu importe que Catherine Walters, alias « Skittles », une célèbre courtisane de Mayfair, notoirement l’une des maîtresses du prince de Galles, répande des rumeurs similaires. La liberté d’expression peut aussi bien servir à alimenter les gazettes. Somme toute, la personnalité de Victoria demeure remarquablement étanche à ce genre d’avanie.
    D’ailleurs, le public s’intéresse davantage aux fiançailles annoncées du prince Alfred, duc d’Édimbourg, avec la grande-duchesse Maria Alexandrovna, fille unique du tsar Alexandre II. Cette union revêt quelque importance dynastique, car le duc d’Édimbourg appartient à la lignée de succession. En effet, si le prince de Galles et ses six enfants venaient à mourir, il hériterait la couronne du Royaume-Uni. Les lois de succession britanniques, bien que n’excluant pas les femmes, lui donneraient préséance sur ses sœurs aînées.
    « Elle semble réellement une très douce fille, écrit Victoria à Vicky à propos de l’auguste fiancée d’Affie, qui l’épouse entièrement pour ses beaux yeux (!!) – je me demande – mais peu importe… »
    Ce parti soulève également un problème politique et religieux. La loi sur les mariages royaux rend obligatoire l’assentiment de Victoria. Par ailleurs, le prince Alfred étant un héritier potentiel du trône, elle ne pourrait pas consentir à ce qu’il épouse une catholique. De manière tacite, cela a toujours impliqué que les conjoints des membres de la famille royale britannique fussent protestants. Évidemment, la grande-duchesse Maria est de confession orthodoxe russe. Sa Majesté choisit de considérer que cela ne pose pas problème, et tout le monde paraît s’accorder à lui donner raison.
    Néanmoins, il s’ensuit une discussion, entre Victoria et sa fille aînée, sur l’état de l’Église anglicane. Vicky pense que l’interdiction faite aux membres de la famille royale d’épouser des catholiques a des motivations purement politiques. Victoria ne l’entend pas de cette oreille. Car une partie de la Haute Église, c’est-à-dire la frange la plus épiscopalienne des anglicans, subit fortement l’influence d’un courant ritualiste. Les années 1830 et 1840 furent marquées par les « tractariens » du mouvement d’Oxford, qui militèrent pour ramener l’anglicanisme vers une liturgie et une théologie très proches de celles du catholicisme romain. Ce mouvement a entraîné une vague de conversion à l’Église de Rome, dans le sillage de celle du cardinal John Henry Newman en 1845. D’autres tractariens, comme John Keble, Edward Bouverie Pusey ou Robert Wilberforce, sont restés au sein de l’Église anglicane, où ils exercent une forte influence ritualiste.
    L’affaire pourrait sans doute demeurer anodine, si elle n’était exacerbée par plusieurs facteurs convergents. En 1870, le premier concile œcuménique du Vatican a réaffirmé le dogme de l’infaillibilité pontificale. Depuis six ans au moins, les Irlandais, fédérés contre les Anglais par leur catholicisme, entreprennent de conquérir leur indépendance. Le gouvernement libéral, après avoir désétabli l’Église anglicane d’Irlande en 1871, est mis en échec sur la question des universités catholiques en 1873.
    « En Allemagne, écrit Victoria à Vicky, vous pouvez vous permettre de ne pas craindre ces horribles tentatives et mouvements ritualistes de la Haute Église, qui ne font que singer les formes

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