Victoria
sentiments du pays ».
Les journaux de Londres tiennent tous beaucoup au nom de Victoria. L’archevêque de Cantorbéry vient conforter la préférence nationale en rappelant que la confirmation ne saurait en aucun cas réviser le sacrement du baptême. Sa Majesté enrage. « Victoria », peste Guillaume IV le francophobe, n’est pas anglais, pas même allemand, mais d’origine française.
Le 30 juillet 1835, Victoria offre des petits cadeaux à Mme de Kent et à la baronne Lehzen, en souvenir de ce jour, qui est celui de sa confirmation. En robe de dentelle blanche, coiffée d’un bonnet de crêpe entouré d’une couronne de roses blanches, elle s’est rendue à la chapelle du palais St James, « avec la ferme détermination de devenir une vraie chrétienne ». L’archevêque de Cantorbéry, dans son discours, lui représente ses responsabilités de future souveraine si sévèrement que Victoria, terrifiée, pleure à chaudes larmes.
Dans son entourage, depuis des jours, la tension est à son comble. Le jour de la cérémonie, le roi Guillaume, aussitôt qu’il a vu de loin Conroy entrer dans la chapelle, a ordonné qu’il en soit éconduit. Au cours des mois précédents, le roi, informé depuis longtemps du mauvais traitement auquel est soumise la princesse à Kensington, a eu l’occasion de s’en faire une idée plus précise par lui-même.
En effet, la duchesse de Northumberland, naguère appelée par Mme de Kent comme gouvernante officielle de Victoria, a écrit à Feodora pour lui demander que Léopold intervienne auprès de Guillaume. Elle s’est plainte de ce que les manœuvres de Lady Flora Hastings, bientôt nommée dame de compagnie de la princesse, soient en passe d’aboutir au départ de la baronne Lehzen qui est son seul soutien.
Mme de Kent et Conroy, informés de la démarche de la duchesse de Northumberland, insistent pour qu’elle parte. Le roi Guillaume les en défie et fait de Mme de Northumberland son unique interlocutrice à Kensington. La duchesse de Kent ose passer outre à la volonté royale en répondant par le truchement de l’archevêque de Cantorbéry. La guerre des palais fait rage.
C’est que l’heure est grave : depuis le début de l’année, le bruit court que la reine Adélaïde est enceinte. Si cet état se confirme, il n’est pas du tout certain que, le cas échéant, Victoria puisse régner.
Conroy organise une nouvelle tournée à la fin de l’été. Le roi voudrait l’interdire. Victoria s’y oppose : c’est au-dessus de ses forces. Elle souffre de migraines et elle a mal au dos. L’insistance que Mme de Kent met à la convaincre ne débouche que sur des disputes. La duchesse lui impose sa volonté par une longue lettre, dans laquelle elle la traite comme une enfant déraisonnable. Il est capital, dit-elle, que la princesse soit vue, qu’elle se fasse connaître, faute de quoi elle déclinera dans l’estime du peuple. « Pouvez-vous faire la sourde oreille aux exigences de votre position ? Impossible ! Réfléchissez, avant qu’il soit trop tard. »
Victoria comprend surtout que c’est pour sa mère et son ignoble régisseur qu’il risque bientôt d’être trop tard. Ces manifestations publicitaires, elle le voit bien, servent surtout les intérêts de la duchesse de Kent et de Conroy. Ils l’utilisent, captent sa popularité, pour s’imposer aux yeux du public comme des personnages indispensables de son entourage. Même le prince Charles, son demi-frère, qui avait pour un temps paru la défendre, plaide maintenant auprès de Léopold pour que Victoria demande elle-même la régence pour sa mère et fasse de Conroy son secrétaire particulier.
À Ramsgate, Victoria est au balcon de l’hôtel Albion, avec la baronne Lehzen, à côté de Lady Flora Hasting et de Lady Conroy. Elle regarde le port, où une foule nombreuse agite des drapeaux autour des arches florales. D’un vapeur en provenance d’Ostende débarque Léopold, roi des Belges, et la reine Louise. La princesse se fait une joie d’embrasser son oncle. Elle a compté les jours depuis la dernière fois qu’ils se sont vus : quatre ans et deux mois.
« Je l’admire comme un père, avec une confiance, un amour et une affection sans tache. Je n’ai pas de meilleur conseiller ni de plus attentionné. Il m’a toujours traitée comme son enfant, et je l’aime le plus chèrement pour cela. »
La reine Louise est une femme jeune et belle, qui
Weitere Kostenlose Bücher