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Victoria

Victoria

Titel: Victoria Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Joanny Moulin
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il revient enfin, il diagnostique une affection passagère qui ne devrait être l’affaire que de quelques jours. Mais il est à peine reparti que Victoria est prise de fièvre. Son pouls s’emballe alors que la duchesse se fait prier pour rappeler le docteur. Conroy objecte qu’il serait politiquement dangereux de faire appel à un praticien local.
    La fièvre monte. Victoria délire. Un médecin de Ramsgate, qu’on s’est résolu à consulter, se montre très inquiet. Le Dr Clark parle d’une « fièvre bilieuse ». On craint que ce ne soit la typhoïde. Il semble en réalité que la princesse souffre d’une infection chronique des amygdales.
    Confinée dans sa chambre pendant plus d’un mois, ne pouvant presque plus manger, Victoria dépérit. Elle prend un bain tous les quatre ou cinq jours. Le Dr Clark insiste pour qu’elle mâche lentement. Auteur d’un ouvrage médical sur les effets bénéfiques du froid, il impose que ses fenêtres demeurent ouvertes. Les pieds de Victoria s’engourdissent. Lehzen les lui frictionne avec de l’eau de Cologne.
    Dès qu’il semble enfin que les jours de la princesse ne sont pas véritablement en danger, Conroy saisit l’occasion de la soumettre à sa volonté. Sa santé fragile, ses sautes d’humeur, ses caprices, son immaturité, tout indique qu’elle ne serait pas capable de régner, en tout cas qu’elle n’y parviendrait pas seule. Elle doit impérativement avoir un conseiller, un secrétaire particulier. Conroy rédige lui-même une lettre à cet effet qu’il lui enjoint de signer. Il la harcèle. Il la rudoie.
    Elle sait bien, et sa chère Lehzen le lui confirme, qu’un document signé sous la contrainte pourrait être réfuté. Encore faudrait-il admettre avoir cédé. Cela ne se peut. Elle a le plus absolu mépris pour cet odieux personnage, à qui elle n’adresse jamais la parole que pour dire « non ». Qu’il hausse donc le ton tant qu’il peut encore se le permettre. Elle a une meilleure opinion d’elle-même. Elle est faite d’un autre métal. Victoria pleure, mais ne rompt pas.
    Derrière les belles façades du palais de Kensington, dans des appartements délabrés et plus que jamais infestés de cafards, dans une atmosphère sans joie, Victoria surmonte lentement sa maladie. Son reflet dans le miroir lui montre un visage aux traits tirés, des yeux largement cernés au fond des orbites, des joues creuses. Jour après jour, l’heure de la toilette quotidienne est une épreuve. Elle perd ses cheveux par poignées. C’est au point qu’elle craint de devenir tout à fait chauve. Ne sachant que faire, elle a laissé Lehzen couper sur sa nuque plus de la moitié de sa chevelure « autrefois si épaisse qu’elle pouvait à peine la tenir dans sa main ».
    Convalescente, elle est si affaiblie qu’elle tient à peine sur ses jambes. Restée trop longtemps alitée, elle marche le dos courbé comme une vieille femme. Trois ou quatre fois par semaine, on l’emmène à Hampstead respirer un air moins malsain à la périphérie de Londres. Elle fait des exercices en maniant des massues indiennes et travaille debout devant une table haute.
    Bientôt, de grandes boîtes arrivent de Paris, envoyées par sa tante la reine Louise. L’une contient des robes, une autre des chapeaux « faits par Mademoiselle Palmyre, Première Marchande de Mode à Paris ». Dans une troisième se trouvent des épingles à cheveux. Ces cadeaux la réconfortent quelque peu.
    Devant un miroir, le dos douloureux, coudes serrés, Victoria dessine. Dans sa chambre aux fenêtres grandes ouvertes, elle entend le vent d’hiver qui fait vibrer les chênes. Le froid qui l’enveloppe lui fait du bien. Réprimant de temps à autre un frisson, elle aime sentir ce contact qui trace les contours de son corps et le durcit. Son reflet, légèrement incliné sur l’ouvrage, la fixe d’un regard par en dessous. Dans son visage amaigri, ses grands yeux bleus paraissent immenses. Au centre des iris pâles, les pupilles sombres, affleurant les paupières, expriment une dure volonté.
    Ses cheveux tressés autour d’une petite coiffe cylindrique lui font au sommet du crâne comme une couronne. Elle étoffe un peu ses boucles blondes qui retombent sur ses joues, tenues de part et d’autre de la raie centrale par deux longues barrettes courbes. Sa bouche a la forme géométrique de deux arcs à double courbure, celui de la lèvre inférieure se superposant à un arc

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