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Victoria

Victoria

Titel: Victoria Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Joanny Moulin
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aggravées par le fait exceptionnel que Melbourne a élu domicile au palais de Buckingham même, fournissent à cet égard à celui-ci un avantage inégalable.
    Cela n’échappe pas à la reine, qui s’agace que son oncle persiste à vouloir exercer sur elle un ascendant prépondérant. Si autrefois elle le considérait comme un père et l’appelait affectueusement «  il mio secondo padre, solo padre  », il n’ignore pas qu’aujourd’hui c’est de Melbourne qu’elle parle en disant qu’il est son « père ». De même, celle que Victoria nomme « ma très chère mère » n’est pas la duchesse de Kent, mais la baronne Lehzen. Cette amitié, nourrie du souvenir d’un indéfectible soutien mutuel, aux temps difficiles du système de Kensington, a grandi jusqu’à devenir une véritable passion. La reine n’a pas de secret pour son adorable « Daisy », qui n’a jamais cessé de lire chaque ligne de son journal intime. Leurs chambres communiquent, et l’on voit paraître Lezhen dans quelque embrasure aussitôt qu’un visiteur prend congé.
    « Je suis allée me promener avec mon angélique , ma très chère mère, Lehzen , que vraiment j’aime tellement ! »
    La baronne, elle aussi, voit fort clair dans les sous-entendus du roi des Belges. Elle les interprète d’une oreille soupçonneuse. L’empressement qu’il met à vouloir marier sa nièce avec un époux qu’il lui destine depuis l’enfance et qu’il a, pour ainsi dire, éduqué lui-même, ne laisse pas de paraître suspect. Il est difficile, en effet, de ne pas y voir de sa part l’ambition de se placer en position d’avoir la haute main sur la reine par le truchement d’un mari. La manœuvre est un peu trop cousue de fil blanc.
     
    Au mois de décembre 1838, dans les jardins, les gardes ont attrapé un garçon qui tentait de s’enfuir du palais. C’est un enfant de 12 ans, répondant au nom de Cotton. Il dit vivre en catimini à Buckingham Palace depuis un an, grignotant dans les communs. S’il est tout barbouillé de suie, c’est parce qu’il se cachait dans les cheminées. Il montre les endroits où il a dissimulé de menus larcins : des encriers, un pantalon, une épée…
    L’incident frappe un instant les esprits, et particulièrement celui de la reine, qui lit en ce moment le roman de Charles Dickens Oliver Twist . Elle a trouvé cette histoire «  trop intéressante », surtout par la façon dont elle décrit la face sombre de Londres. De malheureux enfants sont réduits à la misère par un sort que des lois sur les pauvres, bien mal faites, aggravent. L’hypocrisie d’une société qui leur tourne le dos les contraint à la délinquance. Toute une cour des miracles prolifère dans l’indifférence générale.
    Elle en parle à son Premier ministre. Après tout, n’est-ce pas à un gouvernement whig de se préoccuper d’aider les plus démunis ? De réformer la société pour la rendre plus juste ? Quoi qu’elle dise, Lord Melbourne n’a pas lu Dickens et n’a pas l’intention de le faire. Le livre lui tombe des mains. « Je n’aime pas ce style vulgaire et avilissant, dit-il. C’est tout en argot. C’est la même chose que L’Opéra des gueux . »
    Cette farce musicale du siècle précédent était déjà fort vulgaire. On en a aujourd’hui si bien ôté toutes les grivoiseries que ça ne vaut même plus la peine d’être vu. Vraiment, c’est une erreur que de perdre son temps avec des romans, qui vous parlent de choses qu’il est préférable d’oublier. Sa Majesté ferait mieux de ne lire que des ouvrages édifiants. « Je ne pense pas que cela puisse vous procurer une quelconque élévation morale. Je n’aime pas cette vision dégradante de l’humanité. »
    Tout de même, la reine défend Oliver Twist . Le personnage est lui-même plein de qualités attachantes. Un tel roman veut attirer l’attention sur les problèmes du temps. Elle a vu elle-même, autrefois, les régions minières du pays de Galles. Elle a entendu parler des petits ramoneurs que leurs parents vendent pour quelques sous, des conditions terribles dans lesquelles de jeunes enfants sont contraints de travailler, jusqu’à 12 heures par jour, dans les mines et les usines. Il faut que Lord Melbourne fasse l’effort de lire Dickens.
    « Je n’aime pas ces choses. Je préfère les éviter. Je ne les aime pas dans la réalité, et donc je ne souhaite pas les voir représentées. » Quant aux enfants dans

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