Victoria
saisissent et détruisent la drogue, arrêtent le capitaine Elliot qui en supervise le commerce.
Pendant ce temps, à Buckingham Palace, la duchesse de Kent pousse ses pions dans une partie d’une tout autre importance. L’un de ses agents à la cour est sa dame de compagnie Lady Flora Hastings, qu’elle utilisait à Kensington pour harceler la baronne Lehzen dans l’espoir de la contraindre à partir. Lady Flora est une jeune femme de 21 ans, pharisienne et venimeuse, qui ne manque pas une occasion de lancer quelque pique blessante. Victoria déteste cordialement cette « aimable et vertueuse dame de Maman » d’un sentiment ancien et bien entretenu.
Décidément, la reine pense que la présence de Maman auprès d’elle lui rend la vie impossible. La duchesse de Kent s’impose, en rappelant à sa fille qu’elle lui a dit un jour qu’elle ne la quitterait jamais aussi longtemps qu’elle ne serait pas mariée.
« Eh bien, alors, lui dit Melbourne, il y a toujours ce moyen-là de régler la question.
— C’est une alternative choquante. »
Depuis quelque temps, les dames constatent avec horreur que Lady Flora a le ventre enflé. Se peut-il qu’elle soit malade ?
« Malade ? » fait Melbourne en ricanant.
Le bruit court que Lady Flora est rentrée d’Écosse (et c’est un fort long voyage) seule dans une chaise de poste avec Conroy. Les demoiselles de la reine la surnomment en riant « Scotty ». La baronne Lehzen et la marquise de Tavistock répandent la rumeur qu’elle est enceinte. Melbourne reste fidèle à son principe de ne rien faire aussi longtemps que possible.
Le Dr Clark, n’osant examiner la dame de crainte de froisser son honneur, ne sait qu’en penser. Victoria, elle, confie sa conviction à son journal.
« Lady Flora n’était pas rentrée depuis deux jours que Lehzen et moi découvrions combien sa silhouette paraît suspecte. D’autres ont observé cela depuis et nous n’avons aucun doute (pour le dire crûment) qu’elle attend un enfant !! Clark ne peut pas nier le soupçon : l’horrible cause de tout cela est le Monstre et Démon Incarné dont je m’abstiens de mentionner le nom, mais qui est le premier mot de la deuxième ligne de cette page. »
Le médecin se décide enfin à ausculter Lady Flora à travers ses vêtements. Il lui demande si elle est « secrètement mariée ». La réponse, négative, est des plus embarrassantes. Le Dr James Clark, assisté de son confrère Sir Charles Clarke, procède donc à un nouvel examen, en compagnie de dames. Il conclut que, « bien qu’il y ait un fort élargissement du ventre, il n’y a pas de raison de penser qu’une grossesse existe, ou a existé ».
« Mais, ajoute Sir Charles Clarke, bien que la dame soit vierge, ce serait éventuellement possible et l’on ne saurait dire si de telles choses ne pourraient pas se produire. »
Victoria s’empresse d’envoyer une lettre à sa mère pour lui faire part de ce soupçon persistant. La duchesse comprendra peut-être, sans qu’il soit besoin de le dire, qu’il peut paraître étonnant que, dans le doute, elle hésite à congédier sa dame de compagnie. Quoi qu’il en soit, la science restant muette, il n’est plus que d’attendre pour voir. La reine retourne à son journal et lui confie bien des exclamations.
« Voilà tout, sur ce honteux sujet qui nous fait abominer notre propre sexe. Quand elles se comportent mal, que les femmes sont donc abjectes et dégoûtantes !! Je ne m’étonne pas que les hommes tiennent ce sexe pour méprisable. »
La duchesse de Kent soutient sa lady. Sous prétexte de demander conseil, elle répand en fait la rumeur. Lady Flora elle-même écrit à son oncle Hamilton Fitzgerald pour se plaindre de la diabolique machination dont elle pense être la victime. Tout cela est orchestré, elle en a la conviction, par une certaine dame étrangère. L’oncle et le frère reviennent tout exprès de Bruxelles pour dénoncer l’affaire dans la presse. Déjà paraissent quelques pamphlets satiriques anonymes, qui contre-attaquent en représentant Lord Melbourne comme un vieux dévergondé et Buckingham Palace comme un lieu de débauche.
Le duc de Wellington, protecteur tutélaire de la nation, devenu au fil des ans une sorte de directeur de conscience de la famille royale, se voit contraint d’intervenir. Il conjure les différentes parties de se calmer et d’étouffer à tout prix l’esclandre.
Sa Majesté,
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