Victoria
marques de sa confiance envers le gouvernement, et votre maison sera l’une de ces manifestations. »
Sir Robert est assez satisfait de cette première entrevue. La reine n’a pas été trop hautaine. Elle s’est fait violence pour ne pas laisser paraître ses sentiments. En vérité, la reine « n’aime pas ses manières ». Aussitôt qu’elle se retrouve seule, elle donne libre cours à ses émotions. Puis elle écrit à Melbourne pour tout lui raconter.
Lorsque Peel revient le lendemain, après les premières courtoisies d’usage, il aborde la question cruciale des marques de confiance. La reine a-t-elle décidé des changements qu’elle fera parmi ses dames de compagnie ?
« Je ne peux renoncer à aucune de mes dames, et n’ai même jamais imaginé une chose pareille.
— Votre Majesté désire-t-elle les garder toutes ?
— Toutes.
— La dame de la garde-robe et la dame du lit ?
— Toutes.
— Ce sont les épouses d’opposants au gouvernement.
— Elles n’interviendront pas et je ne parle jamais politique avec elles. Plusieurs des dames de ma chambre à coucher et de mes demoiselles d’honneur sont d’ailleurs de familles tories.
— Je ne veux pas dire toutes les dames de la chambre à coucher et toutes les demoiselles d’honneur, mais seulement la dame d’honneur de la garde-robe et la dame du lit.
— Elles sont bien plus importantes que les autres. Je n’y puis pas consentir. Cela ne s’est jamais fait.
— Mais Votre Majesté est une reine régnante et cela fait toute la différence.
— Pas ici. »
Un rictus crispe les lèvres de Peel sans parvenir à convaincre ses yeux. Du bout du pied, il semble chercher à tâtons quelque chose devant lui.
Quand Victoria se retrouve seule, elle n’a plus du tout envie de pleurer. Elle écrit sur-le-champ à Melbourne.
« La reine écrit un mot pour préparer Lord Melbourne à ce qui se produira vraisemblablement dans quelques heures. Sir Robert Peel s’est très mal comporté, il a insisté pour que je me sépare de mes dames, ce à quoi j’ai répondu que je ne consentirai jamais, et je n’ai jamais vu un homme si effrayé. »
Peel est allé consulter Wellington. Qu’il fasse donc ! Victoria est fière de n’avoir pas cédé. Elle a su tenir bon. L’air troublé de Peel la confirme dans son opinion que ces abominables tories ont cru pouvoir la manipuler. Pensaient-ils peut-être l’intimider ? Eh bien, ils apprendront à mieux la connaître. « La reine d’Angleterre ne se soumettra pas à de telles supercheries. Tenez-vous prêt, car vous serez sûrement bientôt sollicité. »
Ce sera de deux choses l’une. Soit les tories cessent leurs entourloupes et reviennent lui proposer un gouvernement sérieusement, sans se mêler de toucher à ses dames, soit ils renoncent aux affaires. De son point de vue, ce serait absurde, et ils feraient en tout cas piètre figure. On verrait bien. « La reine n’aurait pas été aussi ferme s’il s’était agi des gentilshommes ou des écuyers, mais ses dames sont entièrement sa propre affaire, et non celle des ministres. »
Elle reçoit de nouveau le duc de Wellington et Sir Robert Peel, pour les assurer qu’elle ne changera pas d’avis.
« Eh bien, Ma’am , lui dit le duc, je suis désolé de voir qu’il y a une difficulté.
— Oh ! c’est lui qui a commencé, pas moi. »
Wellington, désarçonné, paraissant hésiter à cet instant décisif de la bataille, elle lui porte le coup de grâce : « Sir Robert est-il si faible que même les dames doivent être de son avis ? »
L’adversaire bat une fois encore en retraite.
Elle écrit de nouveau à Melbourne. Cette insistance qu’ils mettent à vouloir s’imposer jusque dans sa chambre à coucher lui paraît ridicule, indécente même : « c’est infâme ».
« La reine a le sentiment que c’était une tentative pour voir si elle pouvait être menée par le bout du nez comme une enfant. »
Dans la nuit, Melbourne convoque ses ministres pour une consultation d’urgence. Il leur lit à haute voix les lettres qu’il a reçues de la reine, lui expliquant la situation et le détail des entretiens. Le cabinet whig conseille à Sa Majesté de mettre un terme à ses pourparlers avec les conservateurs. Il lui suggère d’écrire à Peel que sa requête est « contraire aux usages et incompatible avec ses sentiments ». Voilà les whigs de retour aux affaires. « Il est
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