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Victoria

Victoria

Titel: Victoria Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Joanny Moulin
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impossible, s’exclament-ils, d’abandonner une telle reine et une telle femme ! »

15
    Trois jours après son vingtième anniversaire, le 27 mai 1839, Victoria reçoit à Windsor le grand-duc Alexandre, fils aîné de son parrain, le tsar Nicolas I er , empereur de Russie, roi de Pologne et grand-duc de Finlande. Elle est heureuse de rencontrer enfin un prince de sang royal avec qui l’étiquette lui permet de danser en couple. Le tempo de la mazurka est d’autant plus rapide pour elle qu’elle doit suivre l’allure des longues jambes du tsarévitch. Elle se laisse griser par la façon très énergique qu’il a de la faire virevolter.
    « Je suis vraiment tout à fait amoureuse du grand-duc qui est un adorable et délicieux jeune homme. »
    Alexandre n’a qu’un an de plus qu’elle. Il est terriblement beau : grand, mince et tellement fort ! Les épaulettes de son uniforme bleu sombre accentuent la largeur de son torse. Le très haut col rouge, aux passementeries d’argent, allonge son cou et souligne la majesté de son maintien. Ils parlent en français ; cet usage de la langue diplomatique ajoute une touche supplémentaire de distinction à leurs conversations. Alexandre est d’une galanterie pleine d’esprit. Les plaisanteries vont bon train. Avec lui, Victoria s’amuse beaucoup, rit parfois même aux éclats.
    Après le dîner viennent les quadrilles. Leur préféré à tous deux est « Le gay loisir ». Elle découvre une danse campagnarde qu’elle ne connaissait pas, « Le grand-père », où les messieurs sautent par-dessus un mouchoir, tandis que les dames passent en dessous. Ils ne quittent la salle de bal qu’après 3 heures du matin. Elle ne trouve pas le sommeil avant l’aube.
    Le lendemain, le grand-duc rend visite à la reine, accompagné du vicomte de Palmerston, pour lui faire ses adieux. Il lui prend la main et la serre affectueusement. Pâle, la voix hésitante, il l’assure qu’il n’oubliera jamais cette merveilleuse réception. Victoria est si heureuse qu’elle l’embrasse sur la joue. Il lui rend son baiser.
    « Les paroles me manquent pour exprimer tout ce que je sens. »
    Consciente de l’enchantement qu’exerce sur sa personne ce prince charmant au sourire si doux, elle le confesse dans son journal :
    « J’ai été si triste de prendre congé de ce cher jeune homme si aimable, dont je pense vraiment (soit dit en plaisantant) que je suis un peu amoureuse. »
     
    Ce que les journaux, avec leur dérision coutumière, appellent déjà « la crise de la chambre à coucher » a permis à Lord Melbourne de demeurer Premier ministre. La reine y voit l’avantage que sa « vie heureuse », avec lui à ses côtés, peut continuer. L’opinion est indignée de ce que le caprice bien enfantin de la souveraine interfère ainsi dans la bonne marche des institutions. Certains trouvent pour le moins désolant que Victoria semble ne pas comprendre ce qu’il y a de fâcheux à ce qu’elle prenne si ouvertement fait et cause pour le parti whig.
    « En fait, Lord Melbourne, je pense que les membres de la famille royale devraient toujours être whigs. »
    De façon plus générale, les états d’âme de Victoria sont une source d’inquiétude pour elle-même plus encore que pour son entourage. Les signes de mélancolie persistent et s’assortissent de sautes d’humeur.
    Elle a fait une liste des choses qu’elle n’aime pas. La reine déteste la soupe à la tortue, les insectes, faire le tour de ses invités pour parler et ne rien dire, Mme de Lieven, l’idée de mourir jeune, celle de devenir aveugle, les tories…
    Elle passe sans prévenir du plus grand abattement à une euphorie excessive. Son indignation explose trop souvent sans qu’elle réussisse à la contenir.
    « Je sens, dit-elle à Melbourne, que j’ai de plus en plus mauvais caractère.
    — Oh non, ce sont les soucis.
    — Mais vous avez vous-même beaucoup de soucis et vous restez toujours de bonne humeur.
    — Détrompez-vous, Ma’am , je suis très passionné, très irritable…
    — Je m’intéresse de moins en moins aux affaires. Sans doute est-ce naturel pour une jeune femme.
    — Vous devez surmonter cela. C’est naturel, une fois passé l’attrait de la nouveauté, mais vous ne devez pas laisser ce sentiment prendre le dessus. Il faut le combattre.
    — Parfois l’ennui m’accable et je reste trop longtemps sans rien dire, et je m’en veux de faire ce que je

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