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Victoria

Victoria

Titel: Victoria Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Joanny Moulin
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la dégradation de l’image de la monarchie. Elle prend conscience que les travers et les défauts auxquels elle ne parvient qu’au prix d’efforts sur elle-même à ne pas se laisser aller sont les mêmes qui ont longtemps offusqué les sentiments du peuple à l’égard de la royauté. Pourtant, elle a pu s’en rendre compte par elle-même, un immense désir de loyauté à la Couronne persiste. La nation a voulu espérer que l’accession de la jeune reine serait un renouveau. Il convient de tout faire pour ne pas décevoir cette attente.
    Victoria continue de se cultiver, cherchant à contourner son aversion pour l’étude formelle. Elle n’aime pas plus l’histoire classique que le latin, et elle ne connaît pas le grec. Elle tente de lire l’ Histoire de la guerre de Trente Ans de Schiller. « Ils sont souvent confus et obscurs, ces Allemands : brumeux », dit Melbourne en riant. Alors, elle se tourne vers la littérature, cherchant à y puiser un reflet de la société. Dans Eugene Aram , Bulwer-Lytton fait la biographie d’un célèbre criminel du siècle précédent. Les Pickwick Papers , premier roman de Dickens, montrent quantité de facettes de la vie contemporaine à Londres et dans les campagnes anglaises. Cependant, elle se sent toujours un peu mal à l’aise en lisant des fictions. Cela lui donne la mauvaise conscience de se distraire au lieu de travailler. Elle se plonge alors dans les ouvrages de François Guizot, satisfaisant son intérêt pour l’Histoire et sa familiarité avec la langue française, tout en ayant la certitude d’employer utilement son temps.
    La grande Histoire contraste parfois comiquement avec la petite. Tandis que Victoria médite sur ce que pourrait être le rôle d’une grande reine, Lady Lyttleton lui demande l’autorisation de porter des lunettes à la cour. Cela ne s’est jamais vu et ne se peut donc pas. Edmund Burke lui-même était prié de ranger ses besicles dans sa poche. Il en va de même pour les gants, que l’étiquette n’a jamais permis à aucun homme de garder. De manière comparable, Sa Majesté aimerait, mais n’ose pas encore se décider, à prendre du thé.
     
    Début juillet 1839, la nouvelle de la mort de Lady Flora Hastings plonge la reine dans un état mélancolique qu’un fort sentiment de culpabilité aggrave. L’autopsie révèle que Lady Flora n’était pas enceinte : la rondeur de son ventre était due à une enflure cancéreuse du foie. Victoria, rêvant presque chaque nuit de la pauvre Flora, perd le sommeil et l’appétit.
    Lord Hastings, le frère de Lady Flora, a provoqué Lord Melbourne en duel. Aux courses d’Ascot, où Victoria se rend en compagnie de son Premier ministre, le public les siffle. Deux siffleuses l’apostrophent au passage en criant, « Mrs Melbourne ! » Qui sont ces femmes et pourquoi font-elles cela ?
    « Oh ! J’aimerais pouvoir les faire fouetter ! »
    Renseignement pris, il s’agissait de Lady Sarah Ingestre et de la duchesse de Montrose. Ces dames affirment avoir voulu signifier ainsi leur désapprobation du traitement infligé par la reine à Lady Flora. Elles écrivent à Victoria pour lui dire que ce n’était pas elle qu’elles sifflaient, mais Lord Melbourne.
    L’étiquette demandant que les souverains ne soient présents à aucunes funérailles, elle a envoyé sa voiture vide qui, rideaux tirés, a pris part au cortège funèbre. Quelques pierres ont été lancées sur le carrosse. Dans l’assistance, nombreux étaient les visages en pleurs. À la tristesse du deuil se mêle une déception qui marque la fin de l’état de grâce. La reine, c’est bien regrettable, n’est pas tout à fait conforme à l’image rêvée des jours de fête.
    « Je n’ai aucun remords. Je pense n’avoir rien fait personnellement pour la tuer. »
    La mort d’une jeune femme qui avait sensiblement le même âge que Victoria suscite l’émotion populaire. Ce que cette affaire révèle d’hypocrite mesquinerie à la cour, de manque de générosité de la part de la reine elle-même, révulse le sentiment commun. Par ailleurs, cet événement cristallise le mécontentement occasionné par la crise dite de la chambre à coucher. L’opinion générale est que Melbourne abuse de son influence sur Sa Majesté pour favoriser sa carrière politique et maintenir les whigs au pouvoir. La souveraine, dont le rôle est de demeurer au-dessus des partis, s’est interposée personnellement dans le

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