Victoria
l’avis de Palmerston, en faveur d’un apaisement dans les relations avec la Russie et la France.
Ce même été 1840, le Parlement légifère pour tenter de protéger un peu les petits ramoneurs. C’est ironiquement sous un gouvernement conservateur que sont prises des mesures en faveur desquelles Victoria a eu tant de peine à disposer Melbourne. Dans les faits, la loi demeure lettre morte.
D’avoir été désigné comme régent, en cas de décès de la reine, constitue un avancement considérable de la position d’Albert dans le pays. Il en est bien conscient. Cela ne va évidemment pas sans un regain de tension, en particulier dans ses relations avec la famille royale. On lui reproche de garder parmi ses gens des étrangers, comme son valet suisse, Cart, ou bien encore son second conseiller, le Cobourgeois Rudolf Löhlein. Le bruit court que ce dernier est vraisemblablement un bâtard du père d’Albert, le prince Ernest, avec qui on dit qu’il a une ressemblance frappante.
Albert supporte mal ces bassesses, qui ne sont pas du tout dans son propre caractère, et sont justement calculées pour l’exaspérer. Un autre exemple de ces stupides mesquineries est venu de la duchesse de Cambridge, mère de George d’Orange que certains auraient préféré voir épouser Victoria. Elle est demeurée ostensiblement assise tandis qu’on portait un toast à la santé du prince Albert. Victoria a répliqué en donnant un bal auquel elle n’a pas invité les Cambridge. Albert lui-même, lorsqu’on lui a remis la franchise de la Cité de Londres, a décliné l’offre de dîner, au prétexte que la princesse Augusta, tante de la reine, était souffrante. Il embarrassait ainsi le duc de Cambridge qui, en tant que frère d’Augusta, aurait à plus forte raison dû faire de même.
Tout cela n’est pas politique. Le baron Stockmar, avant de repartir pour l’Allemagne, conjure Albert de ne jamais se départir de son sang-froid et de sa retenue. Victoria attend un enfant. Le prince doit veiller constamment sur sa santé et son moral. Il lui faut absolument faire preuve d’une patience à toute épreuve.
« Et, par-dessus tout, ne vous départissez jamais, ni nulle part, de votre dignité et de votre noblesse. »
S’il y a bien une personne qui met les nerfs du prince à rude épreuve, c’est la baronne Lehzen. La maternité de la reine rapproche encore davantage, si c’est possible, les deux femmes. À mesure que Victoria atteint un volume plus imposant, Albert se sent un peu plus exclu. Doutant de sa capacité à conserver tout son calme devant « le Dragon de la maison », comme il appelle en privé la baronne, il utilise Anson comme plénipotentiaire.
Un certain capitaine Childers, semblant perdre tout à fait la raison, importune la reine de ses déclarations d’amour réitérées. Anson s’en va demander ce qu’il en est de cette affaire à Lehzen, qui garde ce qu’elle sait pour elle. Elle a informé le Lord Chamberlain. C’est le prince qu’elle aurait dû avertir. Et Lehzen de laisser exploser son ressentiment. L’attitude du prince à son égard est insultante ! Il l’a priée de quitter le palais ! Il n’en a pas le pouvoir !
Certes, Lehzen a raison sur le fond. Cependant, elle commet une erreur fatale dans la forme. Sa fierté, sa possessivité, la faiblesse qu’elle dévoile en répondant si intempestivement quand elle est mise en cause : voilà ce qui la perdra.
Depuis quelque temps, la silhouette de la reine est « des plus extraordinaires ». On lui donne du camphre pour l’aider à dormir. Le prince a cessé de sortir et veille constamment sur elle. Il paraît instantanément quand elle l’appelle. Assis à son chevet dans la pénombre, il lui fait la lecture, rédige les lettres qu’elle lui dicte. Nul autre que lui ne la porte de son lit à son divan, ou ne la pousse en fauteuil roulant d’une pièce à l’autre.
Le 21 novembre, deux ou trois semaines avant le terme, elle ressent dans la nuit des douleurs qui ne trompent pas. Quand enfin elle est parvenue à réveiller Albert, il court appeler le Dr James Clark, qui s’en va chercher l’obstétricien John Locock.
Petit à petit, le salon attenant à sa chambre s’est rempli de personnalités, venues, comme il se doit, pour témoigner de la naissance d’un héritier de la couronne. Victoria a donné des instructions pour que le nombre des observateurs soit réduit le plus possible.
À l’arrivée du
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