Victoria
roi de Prusse Frédéric-Guillaume IV. Au moment du baptême d’Alfred, un projet se forme pour l’avenir de Vicky : Guillaume a un fils de 13 ans, Frédéric, qui est destiné à lui succéder. Il fera un excellent époux pour la princesse royale.
La joie née de ce que la reine ait donné un second héritier mâle à la couronne britannique demeure mitigée par la crainte d’une guerre imminente :
« La seule chose qui gâche presque notre bonheur, écrit la reine à Léopold, est le nuage lourd et menaçant qui pèse sur nos relations avec la France, qui nous consterne et nous alarme tristement. Toute la nation est très en colère . »
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Au mois de septembre 1844, Victoria et Albert s’accordent quelques jours de vacances en Écosse. Ils résident au château de Blair Atholl, dans le comté de Perth. Pendant les premiers jours, Victoria, qui relève de couches, est encore trop faible pour faire des promenades autrement qu’en fauteuil roulant. Puis Albert l’emmène faire des excursions dans un petit phaéton tiré par des poneys. Ils aiment retrouver le peuple écossais, à la fois rude et accueillant. Elle admire particulièrement les enfants, qui resplendissent d’une santé rustique, avec leurs longs cheveux roux en bataille et leurs pommettes saillantes. Les garçons en kilts, les filles en jupes et vestons de tweed vont pieds nus. Ils semblent plus beaux à mesure qu’on s’enfonce dans les Highlands.
Sous ces latitudes septentrionales, les moissons ne font que commencer. Dans les champs, les femmes fauchent l’avoine, au milieu de paysages bucoliques dominés, à l’horizon, par les monts Grampians. À l’écart des villages, des cottages aux murs de pierre dont les cheminées fument sur les toits de chaume, la nature est d’une beauté sauvage. Les bois recèlent des coins d’ombre moussue. Des torrents cristallins et sonores bouillonnent sur des rochers ronds et bondissent en cascades laiteuses. De cette nature millénaire émane une magie guérisseuse. Elle procure à ceux qui s’y plongent un immense plaisir, une extase bienfaitrice.
« Oh ! Rien ne peut égaler les beautés de la nature ! Quelle jouissance se trouve en elles ! »
Victoria décrit les paysages et note ses impressions dans son journal. Albert trouve en Écosse une patrie d’adoption et des sensations très semblables à celles de son enfance à Rosenau. À chaque nouvelle randonnée, son amour du pays grandit. Victoria fait des croquis de scènes pittoresques. Albert guette le gibier, suivi de son valet de chasse Lawley, qui porte les fusils. De loin en loin, ils aperçoivent des hardes de cerfs et de chevreuils, surprennent des vols de lagopèdes. Au crépuscule, les brames résonnent dans les glens.
Quand Victoria a recouvré assez de forces pour monter à cheval, ils entreprennent l’ascension de quelques sommets, suivis par des Highlanders qui mènent par la bride des poneys de bât. Dans certains passages scabreux, il faut mettre pied à terre. Ils sont environnés d’une majestueuse solitude – on croise parfois un troupeau de moutons à tête noire, aux cornes recourbées.
Du haut du mont Tulloch, où le vent frais souffle plus fort, un panorama romantique s’étend sous leurs yeux. Là-bas, dans le glen de la Tilt, où les forêts qui couvrent les contreforts des montagnes s’éclaircissent de champs bordés de haies, parmi les taches ocre des moissons, se dresse le château de Blair.
« J’aurais aimé avoir Landseer avec nous pour dessiner notre groupe, avec le paysage à l’arrière-plan, c’était si joli, comme aussi les diverses “haltes”, etc. Si seulement j’avais eu le temps d’en faire des croquis ! »
Un matin, à Blair Atholl, Victoria sort à l’aube. Seule, elle passe devant les gardes pour se rendre à la loge, où Lord et Lady Glenlyon ne sont pas encore levés. Alors, elle s’en va marcher dans la campagne, admirant les fleurs, écoutant les chants des oiseaux. Les paysans s’affairent dans les champs. Elle aime ces Écossais industrieux, braves et magnanimes. Quand le soleil est déjà haut dans le ciel, elle ne sait plus très bien dans quelle direction se trouve le château. Elle s’avance, les éteules rêches craquant sous ses pas, pour demander son chemin à des moissonneurs qui travaillent non loin de là. Hommes et femmes coupent l’avoine à la faucille, d’autres lient les épis en gerbes qu’ils dressent en faisceaux. Ils la renseignent,
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