Vidocq - le Napoléon de la Police
l’hôpital. Ils
l’isolent, lui prescrivent une diète sévère et quelques potions que lui porte
une infirmière, sœur Françoise. Vidocq estimant sa forte carrure se dit que ses
habits de religieuse le déguiseraient à merveille. Ayant remarqué qu’elle prend
tous les soirs un grand bol de chocolat, il a tôt fait d’y vider un somnifère.
Revêtu de la défroque de la
dormeuse, il prend également soin de voler un rasoir et du savon. Une
religieuse barbue risque d’attirer les regards et d’éveiller la méfiance. Il
marche toute la nuit et au petit matin, contrefaisant sa voix, grâce aux cours
pris chez le marionnettiste, il se renseigne auprès d’un paysan sur la bonne
route pour Rennes. Par chance ce dernier comprend le français mais lui annonce
que c’est la route de Brest ! Celle du bagne ! Vidocq a tôt fait de
rebrousser chemin.
Dans un petit village, il est reçu
par un curé qui met en garde la « religieuse » :
« Malheureuse, ne continuez
pas ! Les routes et les chemins sont pleins de soldats, rassemblés pour
débarquer en Angleterre. Votre habit ne les arrêtera pas. Vous risquez le
pire ! »
Vidocq persiste en lui expliquant
que son vœu l’oblige à faire sa pénitence à Rennes. Pour exaucer cette
obligation, on ne doit reculer devant aucun sacrifice, jusqu’à sa vertu, si
Dieu le veut. Le bon père, très impressionné, lui accorde sa bénédiction et lui
indique les chemins les plus sûrs. À force de faire des détours pour éviter les
militaires, Vidocq s’égare et passe en Vendée. À Cholet, comme c’est jour de
marché, il se débarrasse de son déguisement et avise un marchand de bestiaux.
Il se présente comme Louis Blanc, conducteur de bœufs. A-t-il un troupeau à
mener vers Paris ? Il le lui guidera pour moitié prix car il doit se
rendre dans la capitale. Son patron lui ayant fait faux bond, il se retrouve
sans emploi. Sa carrure puissante et sa physionomie joviale font le reste.
Vidocq, avec sa longue blouse bleue de bouvier, conduit son troupeau à Sceaux.
En chemin, il croise bien quelques
gendarmes, mais ceux-ci ne perdent pas de temps à vérifier les identités des
paysans. Au contraire, pour éviter les bêtes à cornes, ils se garent sur les
bas-côtés et les laissent passer.
De Sceaux, Vidocq gagne Paris et
écrit à sa mère pour qu’elle lui expédie de l’argent car il n’a plus un sou en
poche.
En attendant, il se familiarise avec
la capitale. Sevré de femmes pendant de longs mois, il rôde autour des
« beautés des impasses ». Un soir qu’il traverse la rue Dauphine, une
lourde poigne s’abat sur son épaule. Vidocq se sent blêmir, alors qu’il se
croyait si bien déguisé sous son costume de paysan, le voilà pris. Prêt à
affronter l’inévitable, il se retourne et reconnaît, un des anciens officiers
de son régiment, Villedieu. Encore plus pâle que Vidocq, il lui demande de
l’écouter en secret. Les deux hommes prennent un fiacre et vont dîner dans un
cabinet particulier. Là, sitôt le repas servi, son camarade empoigne le bras de
Vidocq :
« Je suis un homme perdu.
Aide-moi à disparaître. Je ne serai pas ingrat, j’ai beaucoup d’argent mais
j’ai la police aux trousses. Je suis perdu… »
Vidocq qui ne cherche qu’à passer
inaperçu, l’écoute tout en cherchant le meilleur moyen de lui fausser
compagnie. L’autre lui explique qu’il a volé la caisse de son régiment et tout
perdu au jeu. Vidocq soupire de soulagement :
« Bah, tu en seras quitte pour
quelques jours de prison. On est indulgent entre militaires…
— Ah, si ce n’était que cela. Pour
m’en sortir, j’ai emprunté. Et au lieu de rembourser j’ai rendu des
services », ajoute-t-il en baissant la voix jusqu’au murmure.
« Et ces services, interroge
Vidocq.
— Porter des objets au crédit
municipal. Je touchais dix pour cent de ce que l’on me remettait. Ils
provenaient de vols faits par les chauffeurs dans les fermes isolées et les
châteaux. Kotcho et son beau-frère Moïse Jacob qui commandaient à une bande de
trois cents juifs, écoulaient facilement la marchandise, chez leurs
coreligionnaires, les bijoutiers d’Anvers et de Londres. Lorsqu’ils ont été
arrêtés, personne ne savait comment joindre les intermédiaires. J’ai alors
commencé à aider la bande. Puis, je me suis associé avec un nommé Salembier.
— Je connais », coupe
Vidocq.
L’autre, tout à sa confession
n’entend plus
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