Vidocq - le Napoléon de la Police
passe la frontière et renoue avec les
contrebandiers. Seule façon de faire fortune à l’heure où la politique du
Directoire intensifie le blocus et augmente le prix des marchandises passées en
fraude. Le moindre objet manufacturé en Angleterre se revend deux cents fois le
prix d’achat. Vidocq s’associe avec plusieurs bandes et pour mieux surveiller
sa marchandise s’embarque sur un navire. Si les douaniers français sont à
craindre, les voleurs britanniques le sont tout autant. En effet, ces pirates
de rivière profitent de l’importance des marées dans la Tamise qui laissent le navire
échoué sur la vase durant des heures, pour s’emparer du butin. Chacun a sa
spécialité.
Les « hirondelles de
vase », Mudlarks, sont les plus audacieux. Ils remontent le fleuve
la nuit, sur de petites barques, abordent en silence et déménagent les cargaisons.
Un capitaine américain raconta à Vidocq qu’ayant entendu du bruit, il monta sur
le pont pour se rendre compte. Un canot s’éloignait. Les pirates lui
souhaitèrent avec humour le bonsoir, emportant avec eux une partie de ses
achats. Il voulut les poursuivre mais s’aperçut qu’ils lui avaient aussi dérobé
son ancre. Les « bateliers-chasseurs », défoncent les barriques de
sucre et en vidangent la moitié dans de gros sacs de cuir huilés. Quant au
rhum, en faire la contrebande exige de veiller nuit et jour, chaque seconde sur
le précieux liquide, avec le risque de fortes déconvenues. L’exemple le plus
fameux étant celui du retour de l’amiral Nelson.
Lorsqu’il fut tué à la bataille de
Trafalgar, son corps fut rapporté en Angleterre. Pour qu’il ne s’altère pas au
cours du voyage, on le mit dans un tonneau d’alcool. Arrivé à Plymouth, on
ouvrit le « cercueil ». Surprise ! Si le corps était bien là,
l’eau-de-vie avait disparu. Pendant la traversée, les matelots avaient vidé la
barrique, pompant chacun à son tour l’alcool avec une longue paille. Ils
appelèrent cela : « mettre l’amiral en perce ».
Vidocq se spécialise dans le
transport de toile et de mousseline des Indes. Il s’enrichit. Une partie de son
budget est investie dans le pourcentage qu’il donne aux passeurs pour
transporter la marchandise à travers les différentes lignes de douane.
En ce pluvieux hiver 1798, le Barras, sur lequel navigue Vidocq, est bloqué dans le port d’Ostende pour une
vérification. Sitôt conduit au bureau des douanes, il préfère fausser compagnie
aux agents et part en courant. Il va s’échapper lorsqu’une petite vieille qui
le voit passer devant sa porte, lui jette son balai dans les jambes. Les
douaniers se précipitent, heureux d’en tenir au moins un. Renvoyé sous bonne
escorte à Douai, il est aussitôt reconnu : « Un bagnard évadé, le
fameux Vidocq ! »
Mis à la triple chaîne, il est
transporté maintenu saucissonné jusqu’à Bicêtre.
Le 2 avril 1799, il y retrouve
Labbre. Les combines de l’armée roulante ayant fini par être éventées, il s’était
lancé dans le cambriolage et se retrouve condamné à seize ans de bagne. Tandis
que Vidocq ne pense toujours qu’à s’évader, Labbre, afin de se procurer de
l’argent, envoie à toutes les personnes de sa connaissance les fameuses
« lettres de Jérusalem ».
Adressées à un notable de province,
le bagnard y explique, qu’étant le valet de chambre d’un marquis fuyant la
Révolution, ils s’étaient trouvés, lui et son maître, sur le point d’être
arrêtés. Le marquis lui avait alors ordonné de cacher la cassette contenant les
diamants de son épouse, afin de venir les récupérer plus tard. Mais, tout un
faisceau de circonstances, minutieusement contées, les avait empêchés d’y
retourner. Aujourd’hui, alors qu’il revenait rendre ce service à son maître, il
venait d’être arrêté, pris pour un bandit de grands chemins.
En désespoir de cause, il s’adresse
à lui, confiant dans cet honnête homme, de si bonne réputation, pour qu’il
aille chercher la cassette à sa place. Qu’il lui porte les diamants pour qu’il
les expédie à son maître. Au passage il faudra payer son avocat qui prouvera
son innocence. Quant au notable, il aura droit à une part importante du trésor.
Appâté, celui-ci envoie souvent de
l’argent et demande des explications complémentaires. Il recevait alors un
plan, avec des indications précises comme par exemple : « grand
arbre », nombre de pas et de croix,
Weitere Kostenlose Bücher