Vidocq - le Napoléon de la Police
ce qui incitait le notable à creuser
dans les endroits les plus extravagants. C’est ainsi qu’un drapier fut surpris
un soir en train de piocher sous une arche du Pont-Neuf, persuadé qu’il allait
retrouver les écrins de la duchesse de Bouillon.
Utilisant la crédulité et l’amour de
l’argent des « chercheurs de trésor », Labbre se constitue une mise
de fonds, en prévision de son départ pour le bagne. Lorsque ce jour arrive, il
a déjà un confortable magot.
Tondus et vêtus de leur défroque en
toile serpillière, les forçats sont enchaînés. Ils partent pour Toulon, et
passent par Sens, Auxerre, Dijon et Chalon-sur-Saône où ils montent sur une
péniche qui descend le Rhône jusqu’à Tarascon. Puis à pied jusqu’à Toulon.
Trente-sept jours d’une marche épuisante, durant laquelle Vidocq, le Nordique,
découvre le crissement des cigales et l’implacable ciel bleu du Midi. Traînant
ses fers le long des chemins blancs de poussières, sous un soleil de plomb, il
se demande comment l’enfer peut avoir les couleurs du paradis.
À Toulon, la prison est un bâtiment
de cent mètres de long, en bordure des quais. C’est le plus important bagne
portuaire de France. Partout, les forçats en habit rouge travaillent, sur les
charpentes, au calfatage, tout ce qui est pénible ou dangereux. Les nouveaux
venus ne sont pas dirigés, comme à Brest, dans des corps de logis mais entassés
sur les terribles pontons flottants, constitués de vaisseaux démâtés et pourris.
Ceux jugés dangereux, car ayant une tentative d’évasion à leur actif, sont
attachés jour et nuit sur le plancher brut. Ils ne peuvent bouger ni pour se
lever, ni pour se nettoyer. Un gros baril de bois sert de baquet d’aisance,
installé au milieu de la cale. Des semaines entières, il empuantit l’atmosphère d’une odeur
pestilentielle. La nourriture consiste en pain noir, en légumes et en biscuits
militaires conçus pour les voyages aux longs cours.
À vingt-quatre ans, Vidocq se sent
enterré vivant. Il est poursuivi par cette pensée lancinante, comment
s’enfuir ?
Il choisit l’infirmerie. Se faisant
enfler les jambes en appliquant les recettes des bohémiens, il réussit à s’y
faire admettre. Il persuade le médecin, le Dr Ferrant qu’il est incapable de
tenir sur ses jambes. Le praticien n’y voit que du feu. Étant considéré comme
invalide, Vidocq n’est plus enchaîné à son lit, première étape indispensable.
Il entretient ses symptômes et se procure un postiche, de la même couleur que
les cheveux du chirurgien ainsi que quelques habits.
Un matin, le médecin est occupé à
amputer un bras à un malade. Vidocq s’avise que le surveillant d’étage, le
terrible Lhomme est en train d’aider le praticien à maintenir le patient
pendant l’opération. Aussitôt, lui l’invalide, se vêt de sa perruque et de son
costume, s’empare de la redingote et de la canne du docteur, accrochées au
portemanteau et dévale les escaliers. Il traverse un groupe de gardiens qui ne
lui prêtent aucune attention. À vingt pas de la porte de l’arsenal, il entend
crier derrière lui :
« Arrêtez-le !
Arrêtez-le ! C’est un forçat évadé ! »
Vidocq, loin d’obtempérer, désigne
un homme déjà dehors :
« Courez avec moi, il est
encore là ! »
Il passe la porte lorsqu’il sent sa
perruque s’envoler, le terrible Lhomme a couru sur ses pas et l’a rattrapé.
C’en est fini de son rêve de liberté !
On l’enferme au cachot en lui
promettant une sévère correction. En attendant et comme un important vaisseau
de guerre, transportant des malades contagieux doit être désinfecté, on y envoie
les pires des bagnards et les punis. Vidocq y participe et débarrasse certains
morts de leurs guenilles les plus présentables. La nuit, il scie son boulet
rivé qu’il remplace par un boulon à vis. Parvenu au bassin, il se débarrasse de
ses loques et monte à bord d’un autre navire en calfatage. Pris pour le nouveau
cuisinier, il parle des menus, des provisions et demande à faire les courses en
ville. Craignant d’être reconnu par les autres forçats s’il repasse au milieu
d’eux, il prétend avoir peur des détenus pour demander à s’y rendre en barque.
Il souque ferme jusqu’au quai et se précipite à la porte d’Italie. On lui
refuse le passage car personne ne peut sortir sans être muni d’une carte
délivrée par la municipalité. Vidocq rebrousse chemin et à ce
Weitere Kostenlose Bücher