Vidocq - le Napoléon de la Police
domptée. D’un doigt, il désigne son chapeau qui a roulé à deux pas. Un
des forçats se précipite et le lui tend, après l’avoir brossé d’un revers de
manche. Vidocq s’en coiffe et fait signe aux détenus de continuer à défiler
lentement devant lui.
VII
Le temps des assassins
Les Parisiens, en ce froid début
d’année 1814, ne parlent que des nouvelles lamentables de la guerre. Après la
retraite de Russie, la campagne de France. En voyant les soldats mutilés,
blessés encore couverts de sang regagner la capitale, ils s’inquiètent. La
rente baisse de 5 % et passe de 87 francs à 45 en une semaine. Cela ne
fait pas l’affaire des commerçants et encore moins des rentiers qui perdent la
moitié de leur fortune en huit jours. En revanche les spéculateurs, détenteurs
d’argent liquide, se frottent les mains. Ils vont pouvoir racheter les titres
des retraités paniqués et attendre de les voir remonter. Partout les
commentaires se mêlent aux spéculations.
L’ennemi approche mais lequel ?
Les maréchaux, chargés de défendre Paris en l’absence de l’Empereur,
s’empressent d’envoyer des émissaires pour traiter avec les envahisseurs. La
canonnade se rapproche, poussant devant elle, paysans et banlieusards affolés.
Ils se réfugient en ville, emmenant avec eux leur bétail, pour lesquels les
employés d’octroi, appliquant les consignes comme si de rien n’était, leur ont
fait payer un droit d’entrée. Ils campent partout, aux carrefours et sur les
places, tandis que sous un ciel pluvieux, l’exode impérial commence. Les
promeneurs des Champs-Elysées regardent défiler les berlines vertes et les
carrosses dorés du sacre où se sont installés Marie-Louise, le petit roi de
Rome et sa suite qui partent avec l’argenterie, la vaisselle, leur garde-robe
et le Trésor. De la gigantesque épopée napoléonienne ne reste que ce
déménagement à la cloche de bois. Les Parisiens s’abordent dans les rues, même
sans se connaître et commentent ces alarmantes nouvelles, échangeant leurs
impressions.
« Marmont discuterait avec
l’envoyé du tsar Alexandre I er qui lui aurait
dit :
« Dans les palais ou sur les
ruines, l’Europe couchera ce soir à Paris. Il y a donc des Russes ? Ah
oui ! c’est même avec eux qu’il discute de la reddition. »
Tous les pays d’Europe se sont
coalisés et leurs soldats arrivent aux portes de la capitale. Sur les
boulevards, aux terrasses des cafés, bourgeois et élégants redécouvrent le goût
du café, maintenant que le blocus est levé. Puis ils se dirigent vers les
barrières de Clichy et de Montmartre où ont lieu les derniers combats.
Des aubergistes bien placés ont mis
cet écriteau à leurs fenêtres :
« Ici, on voit la bataille pour
deux sous. » Bientôt le terme « ennemis » se transforme en
« alliés » que Paris accueille avec curiosité. La ville déjà
encombrée de réfugiés, avec leur bétail, se remplit de soldats, allemands,
anglais et russes, asiatiques, armés d’arcs et de flèches venus de Mongolie.
Les cosaques se sont installés au bois de Boulogne, coupant tous les arbres
pour se chauffer. Ils construisent des huttes de paille sur les Champs-Élysées
et se répandent dans la ville. Les troupes s’installent partout. Les détritus
arrivent dans certaines rues jusqu’au premier étage, la voirie ne fonctionne
plus. Les jardins publics sont devenus des cantonnements. Au Carrousel, devant
les Tuileries, les troupes prussiennes bivouaquent, les canons braqués sur le
château. Leur général Blücher menace de faire sauter le pont d’Iéna dont le nom
est une insulte au peuple allemand. On le débaptise à la hâte pour calmer ce
furieux qui autorise ses troupes à piller les particuliers. Raffolant de
pendulettes, les Prussiens en remplissent leurs tentes. N’importe, la paix est
signée. Les Parisiens apprennent qu’un roi inconnu leur est attribué,
Louis XVIII. Quoique méfiants ils s’en réjouissent,
lassés d’un empereur qui les épuise et les ruine. La rente remonte en une
journée de 45 à 63 francs. Pasquier, Dubois, Henry sont maintenus à leur poste
« indispensable » à la sécurité publique. La brigade de Sûreté, avec
Vidocq à sa tête, est plus que jamais nécessaire.
Pour lui, l’ennemi reste le criminel
qui, profitant des désordres, a frappé ce dimanche matin. Un deux-pièces au
fond de la cour d’un immeuble du passage du Cheval-Rouge. Dans la
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