Vidocq - le Napoléon de la Police
ses hommes, déguisé en mendiant. Il
est chargé de prévenir la maréchaussée dès qu’il connaîtra le jour et le lieu.
Stationnant sous le porche de l’église, son chapeau à la main, le policier
attend que son patron y jette un papier avec toutes les indications, tandis que
les villageois lui lancent quelques piécettes.
La prochaine expédition sera chez le
père Dufay, un riche vieillard de 86 ans qui vit seul dans sa demeure. Vers
minuit, le 25 février 1820, les brigands se retrouvent près de la maison et
sautent le mur. Vidocq-Frénot le cœur battant les suit. Il espère que le
lieutenant de gendarmerie a reçu à temps son message et compris les consignes.
Les chauffeurs enfoncent la porte d’entrée et se précipitent jusqu’à la chambre
de leur victime. Là, deux gendarmes leur tirent dessus à bout portant. Pendant
que Vidocq ceinture un des bandits qui allait tirer, la Louve toutes griffes
dehors, brandit un poignard qu’elle enfonce dans la gorge du premier gendarme
venu. Vidocq se bat au corps à corps. Les autres policiers arrivent à la
rescousse. Avec eux, l’adjoint de Vidocq qui leur désigne son chef. Tandis que
Capelier, blessé, est transporté sur un brancard, Vidocq qui a pu loger toute
la bande, désigne les domiciles des autres membres. Au total, soixante
bandits : le cantonnier Vitasse, le rebouteux Lemate et les pépiniéristes
Jean-Louis et Thierry Morin. Un seul complice parvient à s’échapper, Raoul.
Vidocq se rend à son estaminet de la barrière Rochechouart, alors qu’il raconte
sa déconvenue à son beau-frère :
« J’t’assure, y avait Vidocq.
En tout cas, c’était sa taille. Il a bien failli m’avoir.
— Pourquoi failli ? »
dit une forte voix dans son dos.
Et le chef de la Sûreté sans lui
laisser le temps de réagir le menotte. Personne dans la salle n’ose s’y
opposer. Abasourdi par ce coup du sort, Raoul, poussé dans un fiacre est
conduit à la préfecture. Il avoue être l’assassin du boucher.
Le préfet se réjouit de cette
arrestation. À ses félicitations se mêle un regret, que Vidocq ne se soit pas
spécialisé dans les enquêtes politiques.
Dix jours auparavant, le 13 février
1820, l’héritier du trône, le duc de Berry a été assassiné. La famille royale
est effondrée et trouve sa police incompétente. Elle réclame des sanctions, les
jours d’Henry comme inspecteur principal sont comptés. C’est en vain qu’il se
défend, affirme que l’assassin, Louvel, a agi seul, qu’il n’appartenait à aucun
groupe révolutionnaire et qu’il n’était donc pas possible de prévoir son geste.
Bientôt s’annonce une mise à la retraite d’office. Le préfet, en revanche,
tresse des louanges à Vidocq, prié d’exercer ses talents dans l’entourage de la
famille royale plutôt que sur les grands chemins. Il est donc introduit à la
Cour et chargé d’ouvrir l’œil.
Vidocq tique sur le comte
André-Pierre de Pontis de Sainte-Hélène qu’il identifie comme Pierre Coignard,
un ancien forçat. Il reconstitue son itinéraire.
Arrêté, le 18 octobre 1800 pour vol,
il s’évade du bagne de Toulon, cinq ans plus tard et se réfugie en Espagne.
Après quelques vols et autres filouteries, il trouve sa voie avec la guerre
d’Espagne, en entrant dans l’armée française. Dérobant des registres de
matricule, Coignard se nomme capitaine puis lieutenant-colonel. Il pousse
l’audace jusqu’à décrire les cicatrices, venant des coups qu’il a reçus au
bagne, comme étant dues à des actions d’éclat et justifiant le versement d’une
pension. L’armée roulante n’aurait pu faire mieux. Avec astuce, il invente les
« vrais-faux ». S’emparant des papiers d’un émigré décédé, le comte
de Sainte-Hélène, il les confie à l’administration militaire et s’en fait
donner un récépissé. Puis il cambriole les archives de l’armée en campagne,
détruisant les faux. Restent des doubles, munis de tampons et de signatures,
tous authentiques. Le tout aussi officiel qu’inattaquable, les originaux
n’existant plus. L’étoile de Napoléon pâlit, les guerres sont terminées avec le
retour des Bourbons. Qu’à cela ne tienne, le comte se prétend désormais ardent
royaliste. Mieux encore, en tant que dernier descendant d’un ancien preux,
compagnon de Saint Louis durant la croisade, il parvient à être présenté au roi
Louis XVIII. Il est vrai qu’après la période agitée
de la Révolution,
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