Vidocq - le Napoléon de la Police
grand regret de la préfecture, le
général convoque l’ambassadeur d’Espagne et le fringuant lieutenant-colonel de
la garde. Homme d’une seule pièce, incapable de dissimuler, l’officier attaque
de front :
« M. le comte de Sainte-Hélène,
vous n’êtes qu’un imposteur et un forçat en rupture de ban, Pierre
Coignard. »
Le comte proteste avec indignation
et propose d’aller chez lui chercher les documents qui attestent de son
identité et de ses titres. Le général sonne son aide de camp et lui ordonne
d’accompagner l’officier à son domicile. Lui enjoignant de ne pas le quitter un
seul instant. Respectueux du grade, ce dernier se met à la disposition du
comte.
Introduit dans le salon et présenté
à la comtesse, il accepte un rafraîchissement tandis que le maître de maison
passe dans son cabinet chercher ses papiers. Comme une heure plus tard, il
n’est pas revenu, l’aide de camp s’inquiète. Il a raison. Le faux comte a disparu.
La préfecture ne peut plus échapper au scandale car au ministère de la Guerre,
cette évasion passe très mal. Quant aux journaux, ils demandent comment la
police a pu laisser une telle canaille dans l’entourage du roi. Le duc de
Feltre donne enfin l’ordre d’appréhender l’ancien bagnard. Désormais, Vidocq a
carte blanche. Voyant arriver l’issue de sa lutte, depuis plusieurs semaines il
surveillait la bande de Coignard sans intervenir, le but étant de situer leurs
repaires. Ils sont plus de trois cents. Une fois tous les complices
« logés », Vidocq frappe. Il conduit l’expédition avec une rigueur
toute militaire. Travesti en fort des Halles, à la tête d’une dizaine d’agents,
il cerne son refuge du faubourg de Popincourt. À trois heures du matin, une silhouette
se glisse le long du mur. C’est lui. Aussitôt tous l’assaillent. On trouve en
sa possession des bijoux volés et sous les toits, dans un atelier dissimulé
derrière un mur recouvert de papier peint, tout un arsenal de clefs et de limes
servant à forcer les serrures.
Lors de son procès, pour la première
fois dans une enceinte juridique, la vedette n’est pas l’accusé ou l’avocat
mais le policier. Le public qui se presse aux audiences, espère apercevoir le
désormais célèbre chef de la Sûreté. Les journaux se passionnent pour ces
péripéties qui dévoilent le monde interlope qui gravite dans l’entourage du
roi. Chacun veut en savoir plus sur Vidocq qui, homme de l’ombre, se retrouve
alors en pleine lumière. Les maîtresses de maison veulent l’avoir à leur table,
lui écrivent, l’invitent. Toutes raffolent de « l’ancien bagnard ».
Chacun intrigue pour le rencontrer. En vain. Les badauds ont beau se bousculer
pour mieux l’approcher, il se dérobe à ses admirateurs. La mort de sa mère, le
30 juillet 1824, faisant suite à celle de sa femme, un mois auparavant l’incite
à se noyer dans le travail et à fuir les mondanités.
Aux Tuileries, ayant reçu les
félicitations d’usage, Vidocq est mis en présence du directeur de la police du
château, un des favoris de Louis XVIII, le marquis de
Chambreuil. Impossible de s’y tromper. Ces sourcils, cette bouche, ce profil,
cette courbure d’oreille, il les a « photographiés » à Bicêtre. C’est
un ancien forçât qu’il a en face de lui. À présent devenu directeur général des
haras royaux, puissant et fastueux personnage. Vidocq consulte son dossier pour
se rafraîchir la mémoire.
La première condamnation de
Chambreuil remonte aux campagnes d’Italie, il imitait à merveille la signature
des fournisseurs.
Confondu, il écope de trois ans de
travaux forcés. Il s’évade et écoule de faux billets à Paris, profitant de la
confusion provoquée par la chute de l’Empire. Incarcéré de nouveau, il écrit au
duc d’Angoulême, neveu du roi, en se faisant passer pour un Chouan persécuté.
Il est aussitôt libéré. Faisant sonner son titre de noblesse et ses certificats
de résistance, il gravit les marches des honneurs avec aisance. À force
d’insistance, Vidocq obtient un mandat de perquisition et découvre, un atelier
de faussaire : cachets, brevets, diplômes en blanc, papiers à en tête des
haras de France, de la police du roi, du ministère de la Guerre. Rien ne
manque, pas même une petite imprimerie.
Vidocq paie d’audace et à la sortie
du pavillon de Flore, l’aborde de front, lui récite son « pedigree »et lui annonce qu’il est en
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