Vidocq - le Napoléon de la Police
son bureau au ministère :
« Alors, tu n’reconnais pas ton
ancien compagnon de galère. J’suis dans la mouise, t’es rupin, aide-moi. Si
j’voulais, y m’suffirais de l’ouvrir », déclare Darius à son « vieux
frangin des galères ».
Le comte sonne et ordonne à ses gens
de le mettre à la porte. Fou de rage devant cette « trahison », Darius
accepte de fournir à Vidocq un témoignage irréfutable, prouvant que le comte de
Pontis de Sainte-Hélène et l’ex-forçat Coignard ne sont qu’une seule et même
personne. La préfecture refuse de prendre en compte le témoignage d’un repris
de justice et étouffe l’affaire. Le comte est désormais à l’abri de tous
soupçons. Pourtant Vidocq ne lâche pas prise. Entourant son gibier d’une
discrète surveillance, il s’étonne que ne possédant ni terres, ni rentes, il
puisse soutenir un tel train de vie. C’est donc qu’il a des revenus annexes.
Vidocq décide de les découvrir. Il le suit, jour et nuit, surveille ses
relations et remarque que celles-ci sont souvent cambriolées. Il se rend sur
place, ce qui rassure la préfecture. Tant qu’il enquête sur des vols, on évite
le scandale que provoquerait la mise en cause des personnalités haut placées.
Le chef de la Sûreté remarque que
les bandits sont entrés avec de fausses clefs, sans effraction. Vidocq
interroge les victimes sur leurs invités, leurs visiteurs, leurs attitudes aux
réceptions. Il acquiert la conviction que le comte sert à la fois d’indicateur
et de preneur d’empreintes de serrures. Quoi de plus facile, au cours d’une
soirée mondaine, de garder négligemment les mains derrière le dos et de glisser
une clef dans une boule de cire pour en fabriquer d’identiques. Pour mieux s’en
assurer, Vidocq gratte les serrures avec une petite lime et en sort quelques
traces minuscules. Les maîtresses de maison confirment en toute candeur combien
elles sont désolées que cet hôte charmant, ce conteur passionnant, reste
toujours debout contre une porte, ne voulant jamais s’asseoir.
La conviction de Vidocq prend corps,
le comte vit du produit de ses vols. Confiant dans son impunité, il est revenu
à son ancien état. Il dirige une bande de monte-en-l’air, prépare les coups,
met au point les plans et se réserve la part du lion dans le partage du butin.
Voilà qui explique son train de vie.
Quoi de plus simple pour lui, de
savoir quel jour et à quel moment la demeure à visiter sera vide. Au besoin, il
peut inviter les propriétaires pour mieux laisser opérer ses complices.
Vidocq interroge M. de Sampigny,
logé au ministère de la Guerre et récemment dévalisé. Celui-ci évoque une
récente visite du comte, venu solliciter une recommandation pour un de ses
amis. Tandis qu’il la rédigeait, il souriait de voir son ami admirer son
installation :
« Il allait et venait sans
façon dans mon appartement, relié à ce bureau. Je l’entendais ouvrir les
tiroirs et s’exclamer, mais mon cher, vous êtes aussi bien logé qu’un
ministre. »
Il n’est revenu que deux semaines
plus tard, le jour même de son cambriolage. Il lui a tenu compagnie toute la
journée, assistant dans son bureau au défilé de ses visiteurs et répondant
quand Sampigny lui demandait ce qu’il pouvait faire pour lui :
« Ne vous inquiétez pas mon
cher, je passerai après les autres, ne vous occupez pas de moi, assura-t-il.
— Je suis resté avec lui à
parler de choses et d’autres. Qui aurait cru que pendant que nous discutions
tous les deux, les voleurs me dévalisaient. L’audace de nos jours n’a plus de
bornes ! » se désole-t-il.
Très organisé, pense Vidocq. Il
garde Sampigny cloué dans son bureau pour être certain qu’il n’ira pas faire un
tour dans son appartement et déranger ses comparses qui pendant ce temps le
dévalisent. Bien entendu, nul ne soupçonne le si prestigieux lieutenant-colonel
de la garde nationale d’être de mèche avec les malfaiteurs. La meilleure des
couvertures. Personne n’a établi le moindre lien entre ses visites et les vols
qui en résultent. Tous les receleurs sont surveillés jusqu’à ce que Vidocq
retrouve un entrepôt où sont cachées certaines pièces d’argenterie. Il les
compare avec des vols récents, ce sont les mêmes. Son nouveau rapport où
figurent aussi le témoignage de Darius et celui de l’ambassadeur d’Espagne est
envoyé en double au ministre de la Guerre, le général-comte Despinoy.
Au
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