Vidocq - le Napoléon de la Police
longtemps qu’il a tourné
la page. Il ne pense qu’à l’avenir et à promouvoir ses produits. Son activité
de policier lui a permis d’observer à quel point les escrocs maquillent
facilement les papiers officiels, des traites aux billets de banque, sans
parler des actes, feuilles de route, états de service. Les ministères, ceux de
la guerre notamment, en ont suffisamment fait les frais. La Banque de France
ainsi que les notaires s’intéressent à sa découverte.
Il n’y a guère que la
préfecture – dont la rancune ne désarme pas – qui refuse d’adopter ce
procédé pour rendre les papiers d’identité et les passeports inaltérables.
Le préfet, entre deux oraisons, se
persuade que l’ordre règne enfin sur Paris. La meilleure des preuves, aucune
arrestation d’importance depuis que Vidocq a quitté son administration. Il n’y
a donc plus de voleurs dans la capitale.
Il en informe le roi Charles X, l’encourageant dans l’illusion qu’il tient Paris et les Parisiens
sous sa coupe :
« Quoi que vous fassiez, Paris
ne bougera pas, j’en réponds sur ma tête. »
C’est également l’avis de son
Premier ministre, Polignac. Chaque nuit, la mère du Christ lui apparaît en rêve
et lui dicte sa conduite. Il note scrupuleusement les conseils politiques de la
Vierge Marie et le lendemain incite le souverain à la fermeté. Le roi applique
à la lettre ses consignes venues du ciel. C’est ainsi que le 26 juillet 1830,
agacé par le résultat des nouvelles élections et assuré du soutien divin, il
décide de reprendre les choses en mains. Il publie des
« ordonnances » : suspension de la liberté de la presse,
dissolution de la nouvelle chambre des députés, avant même qu’elle n’ait siégé
et modification de la composition du corps électoral. De cette façon, il compte
s’assurer désormais une confortable majorité royaliste.
« Le préfet a perdu la tête et
le roi son trône », conclut Vidocq en repliant le journal.
Dans la soirée, les gendarmes ne
parviennent pas à disperser les manifestants qui hurlent au respect de la
Constitution et de la Charte, puis très vite, à la révolution et à la
République. Le lendemain, l’émeute envahit toute la capitale. La garde
nationale, dissoute par Charles X, se regroupe et
tire sur la troupe qui finit par fraterniser avec les émeutiers. Le roi propose
alors de retirer ses ordonnances. Trop tard, c’est lui qui doit se retirer. Le
peuple maintenant veut la République mais les milieux d’affaire ont peur de ce
mot. Avec Lafayette, ils vont chercher le duc d’Orléans, cousin du roi, membre
de la branche cadette de la famille royale, pour qu’il succède à Charles X. Si la branche aînée des Bourbons, n’accepte pas d’être remplacée
par la branche cadette des Orléans, on espère que la transition sera bien
acceptée par les monarchies européennes. Le nouveau roi est proclamé et non
couronné le 9 août sous le nom de Louis-Philippe I er . Il adopte le drapeau bleu-blanc-rouge et prête serment de respecter la
constitution. En attendant, la révolution est finie, les affaires peuvent
reprendre. À Saint-Mandé, la population reste calme, comme si rien ne s’était
passé. Vidocq est considéré comme une sorte de seigneur. Au lieu de se
contenter de vivre sans problème dans la grande maison de campagne qu’il s’est
fait construire, il attire l’attention sur lui.
On lui reproche de n’employer dans
l’usine qu’il a fait construire au fond de son parc, que des individus sans foi
ni loi. Adepte de la réinsertion, il n’engage que d’anciens forçats. Quand on
l’accuse d’abriter des repris de justice, il répond :
« Ils sont traités comme des
parias et rejetés de partout. En leur permettant de gagner leur vie
honnêtement, je leur évite de reprendre la route du crime. »
La population reste plus que
méfiante. À peine les ouvriers de Vidocq sont-ils arrivés qu’on leur impute
tous les méfaits commis dans la région, du vol d’une poule à la disparition
d’une montre, voire d’une pomme dans un verger. Quoi qu’il se passe, le chœur
des commères adopte pour rengaine :
« C’est la bande à
Vidocq ! »
Ce dernier se contente de hausser
les épaules. Il connaît bien ses voisins, anciens commerçants parisiens à
présent retraités qui n’hésitent pas à crier « au voleur ! » de
peur, un jour, d’être volé. Ils l’assignent devant les
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