Vidocq - le Napoléon de la Police
étages. Les gagnants, toujours généreux et prodigues, vont les inviter
pour finir la soirée.
Les perdants, pour soutenir les
enjeux, empruntent de l’argent aux changeurs, leurs boutiques restant ouvertes
toute la nuit. Un des plus fameux, Joseph, est l’heureux époux d’une très jolie
femme. Le couple, de façon à rentabiliser au mieux leur commerce, se relaie à
la caisse. Le jour, la belle madame Joseph vend les bijoux et les montres
échangés la veille. Le soir, son époux s’installe pour la nuit derrière son
comptoir. Jusqu’au matin, il fournit du numéraire aux joueurs impénitents.
Des plaintes et des râles attirent
l’attention des tapineuses. Intriguées, elles entrebâillent la porte du
changeur et découvrent M. Joseph, effondré derrière son comptoir, couvert de
sang. Les belles-de-nuit, terrifiées, appellent à l’aide. On s’empresse autour
de lui. Un médecin, sortant de son cercle, ausculte le blessé. Il fait une
grimace en constatant les huit coups qui ont transpercé le changeur. Cinq à la
tête et trois sur le corps, tous mortels. À l’arrivée du procureur du roi, le
mourant essaie de parler. Mais, étouffé par les flots de sang, il s’épuise sans
qu’on puisse rien comprendre. Lorsqu’il reconnaît Vidocq, venu rejoindre le
magistrat, ses yeux se mettent à briller. Il a confiance et rassemble toutes
ses forces. Articulant difficilement, il fournit un signalement approximatif au
chef de la Sûreté qui presse l’oreille contre sa bouche. Il lui demande s’ils
lui ont parlé. Le changeur se souvient alors qu’ils avaient un curieux accent
du Sud « avec des sss ».
Vidocq oriente l’enquête dans plusieurs
directions. Dans les tripots avoisinants, il cherche des Méditerranéens parmi
les flambeurs. Fausse piste, aucun grand perdant ne correspond au signalement.
Paris est alors passé au peigne fin. Ses agents doivent dresser la liste de
tous les transalpins logés dans les garnis. D’autres policiers examinent le
fichier des étrangers. Ils vérifient les passeports, aussi bien pour les dates
d’arrivée que pour les demandes de départ. Les enquêteurs visitent aussi les
marchands d’huile d’olive et d’épices. Ils interrogent les compagnons maçons
auprès de qui les Italiens cherchent souvent de l’embauche. Apprenant qu’un
logeur de la rue Saint-Antoine loge deux « ritals » qu’il a omis de
signaler, Vidocq s’y rend en personne.
La semaine précédente, les deux hommes,
Rata et Malagutti, sont rentrés tard et au milieu de la nuit ont commencé une
lessive. Probablement pour effacer les traces de sang, conclut Vidocq qui
décide de ne plus les lâcher et réclame deux mandats. Les Italiens se
fournissent mutuellement un alibi plausible. En dépit des protestations de
Vidocq, le nouveau préfet, Delavau, ordonne de les relâcher. Au cours de la
perquisition, le chef de la Sûreté a été intrigué par une meule qu’il trouve
trop légère. Son expérience d’ancien contrebandier aidant, il trouve
l’ouverture secrète. C’est une cachette donc destinée à camoufler quelque
chose. Pourquoi pas de l’or ? Malgré les défenses formelles du préfet, il
suit son intuition et continue de les faire suivre. Du matin au soir, ses
limiers ne les lâchent plus. Les récits qu’ils font de leur filature sont
étranges. Lorsqu’ils ne vont pas s’amuser dans les guinguettes ou boire dans
les gargotes, les deux chômeurs traversent toute la ville pour poser culotte en
pleine campagne.
Ils se retrouvent toujours au même
endroit, à la barrière de Montreuil, près de la ruelle des champs, derrière une
haie. Vidocq dès lors ne fait plus surveiller les deux suspects mais le site.
Les policiers se saisissent d’eux au moment où ils s’accroupissent et ramènent
leur gibier à leur patron. Le préfet, aussitôt averti, prend la mouche et exige
leur élargissement :
« Pas question de risquer des
ennuis avec les Affaires étrangères. »
Vidocq, loin d’obtempérer fait
creuser à l’endroit où les Italiens ont été surpris et retrouve l’or du
changeur. Le préfet, Delavau, accorde alors la confrontation entre les deux
hommes et le changeur, toujours à l’agonie. Tandis qu’on le transporte sur une
civière jusque dans le bureau du juge, celui-ci a la surprise de voir entrer,
cinq hommes au lieu de deux. Vidocq explique qu’il veut être certain de ne pas
influencer le témoin. En ne lui présentant que les présumés
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