Vidocq - le Napoléon de la Police
tribunaux, lui
reprochant la hauteur de la cheminée de son usine, accusée de polluer le
paysage. Déjà la protection de l’environnement. On le soupçonne de faire
construire des cachettes, des souterrains, des refuges avec des meurtrières,
comme ce belvédère d’où l’on doit pouvoir tenir les intrus à distance, en
faisant feu. Et que dire de son intérieur, un salon bourré d’armes, de sabres,
de poignards et de pistolets Ils lui reprochent aussi de garder chez lui, un
sapajou. Vidocq ayant commandé une niche pour le petit animal au menuisier du
village, ce dernier, en fait une description apocalyptique. Chacun sait à Saint-Mandé
qu’il y a un monstre diabolique, capable de sauter de branche en branche. Même
ses deux chiens, deux énormes bergers des Pyrénées « d’une taille
colossale » sont considérés comme une menace. Vidocq se contente de les
nourrir à la main, les dressant à n’accepter de nourriture de personne d’autre,
de crainte de poison. Il gagne ses procès et juge paisiblement les irascibles
Saint-Mandéens.
« Ce sont ce qu’on appelle de
braves gens. Ils donneraient certainement quelques francs pour aider à fonder
un asile de libérés, en Guyane ou à Tombouctou. Mais ils tremblent à l’idée
d’en voir un se créer, si près d’eux. Je n’exige de mes employés qu’une seule
chose, qu’ils soient honnêtes et travailleurs. Ils le sont. »
Vidocq investit aussi dans le
théâtre en devenant actionnaire majoritaire de celui de la Porte-Saint-Martin.
Lorsqu’il s’y rend, chaque fin de semaine, il doit prendre sur lui pour ne
détourner la tête lorsqu’il voit un attroupement, connaissant trop l’envers du
décor. Il sait trop bien que les détrousseurs sont à l’œuvre. Autour du fameux
âne savant qui tape du pied pour compter les chiffres et que son maître,
complice des filous fait soudain ruer pour paniquer la foule des spectateurs,
toute une bande de pickpockets est à l’œuvre.
Ils ont deux minutes pour plonger
leurs doigts agiles dans les poches et les goussets des badauds. Repérables
parmi les promeneurs pour un œil exercé, ils ne portent ni gants ni cannes,
dextérité manuelle oblige. Mais tout cela ne le regarde plus, il poursuit sa
nouvelle vie d’entrepreneur, entrecoupée parfois d’incidents pittoresques. Il
arrive un soir, en retard et couvert de boue, pour dîner dans un restaurant où
il avait rendez-vous avec des amis. Il explique alors qu’un de ses employés,
ancien forçat, roulant avec son chargement de papier sur un chemin glissant
avait fait verser la voiture. Pour sauver le chargement, le brave homme s’était
précipité la tête la première pour soutenir les rames de papier, et s’était
retrouvé coincé dessous. Vidocq aussitôt averti, accourt. Il a juste le temps
de se glisser sous le timon de la charrette. Il la soulève par la seule force
de son dos, sauvant son employé d’une mort certaine. L’ancien Vautrin a gardé
sa haute stature à la musculature impressionnante et toute sa force. Victor Hugo
à qui l’on raconte cette aventure la reprendra dans Les Misérables.
Vidocq aurait continué sa vie
d’industriel philanthrope si un événement ne l’avait brusquement tiré de sa
retraite.
Ce 6 octobre 1831, la petite bise
glacée qui souffle dans la rue de Richelieu fait frissonner deux ouvriers, qui
se rendent dès l’aube à leur travail. Soudain, l’un d’eux se cogne dans
l’obscurité à quelque chose de souple et de dur qui balaie le trottoir, près de
l’arcade Colbert.
« Tiens, c’est curieux, regarde
cette grosse corde qui pend à une fenêtre. Je ne savais pas qu’il y avait un
grenier à fourrage, ici », s’étonne le cocher Caplais en se tournant vers
son compagnon, le couvreur Boucharet qui après un bref coup d’œil au bâtiment
réplique placidement :
« Y’en a point. On est à la
Bibliothèque royale. »
Les deux hommes sont à peine arrivés
aux guichets du Louvre, au bout de la rue, qu’une patrouille de deux agents se
heurte à la fameuse corde et tout de suite donne l’alarme car il s’agit bien
d’un cambriolage.
Le conservateur en chef, réveillé en
sursaut par le commissaire, se rend vêtu d’une simple robe de chambre et encore
coiffé de son bonnet de nuit, dans la pièce où est restée attachée la fameuse
corde. D’émotion, devant les vitrines ouvertes et vidées, il s’évanouit dans
les bras de l’officier de police. Les voleurs
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