Vie de Franklin, écrite par lui-même - Tome I
fut extrêmement regretté ; car c'étoit le meilleur d'entre nous. Osborne passa aux Antilles, où il se fit une grande réputation comme avocat, et gagna beaucoup d'argent : mais il mourut jeune. Nous nous étions sérieusement promis, Osborne et moi, que celui qui mourroit le premier de nous deux, reviendroit, s'il étoit possible, faire une visite amicale à l'autre, pour lui dire ce qui se passe dans l'autre monde : mais il n'a jamais tenu sa promesse.
Il sembloit que ma société plût beaucoup au gouverneur : aussi m'invitoit-il souvent chez lui. Il parloit toujours de l'intention de m'établir, comme d'une chose décidée. Il devoit me donner non-seulement des lettres de recommandation pour un grand nombre de ses amis, mais encore une lettre de crédit pour me procurer l'argent nécessaire à l'achat d'une presse, des caractères et du papier. Il me donna plusieurs rendez-vous pour aller prendre ces lettres, qui, disoit-il, chaque fois, devoient certainement être prêtes : mais quand j'arrivois, il me remettoit sans cesse à un autre jour.
Ces délais successifs se prolongèrent jusqu'à ce que le navire, dont le départ avoit été plusieurs fois différé, fût enfin prêt à mettre à la voile.
Alors je me présentai de nouveau chez sir William, pour recevoir les lettres promises et prendre congé de lui. Je ne pus voir que le docteur Bard, son secrétaire, qui me dit que le gouverneur étoit extrêmement occupé à écrire ; mais qu'il se rendroit à Newcastle avant le navire, et qu'il m'y donneroit ses lettres.
Quoique Ralph fût marié et eût un enfant, il se décida à m'accompagner dans mon voyage. Son but supposé étoit de se procurer des correspondans en Angleterre, afin d'avoir des marchandises à vendre par commission. Mais j'appris ensuite que mécontent des parens de sa femme, il se proposoit de la laisser chez eux, et de ne jamais retourner en Amérique.
Après que j'eus pris congé de mes amis, et que miss Read et moi nous fûmes mutuellement promis de rester fidèles, je quittai Philadelphie. Le navire mouilla à Newcastle. Le gouverneur y étoit déjà arrivé. Je me rendis à son logement. Son secrétaire m'accueillit avec beaucoup de politesse, et me dit que sir William ne pouvoit me voir pour le moment, parce qu'il avoit des affaires de la plus grande importance, mais qu'il m'enverroit ses lettres à bord, et qu'il me souhaitoit de tout son cœur, un bon voyage et un prompt retour. Un peu surpris de ce discours, mais n'ayant cependant encore aucun soupçon, j'allai rejoindre l'Annis.
M. Hamilton, célèbre avocat de Philadelphie, passoit dans ce navire avec son fils ; et conjointement avec un quaker nommé M. Denham, et MM. Oniam et Russel, propriétaires d'une forge dans le Maryland, il avoit arrêté la chambre ; en sorte que nous fûmes obligés, Ralph et moi, de nous loger avec l'équipage. Inconnus l'un et l'autre à toutes les personnes du vaisseau, nous étions regardés comme des gens du commun.
Mais M. Hamilton et son fils, qui fut depuis le gouverneur James Hamilton, nous quittèrent à Newcastle ; le père étant rappelé, à très-grands frais, à Philadelphie, pour plaider une cause concernant un vaisseau qui avoit été saisi.
Précisément au moment, où nous allions lever l'ancre, le colonel Finch vint à bord et me fit beaucoup d'honnêtetés. Dès-lors, les passagers eurent un peu plus d'attention pour moi. Ils m'invitèrent à occuper dans la chambre, avec mon ami Ralph, la place que MM. Hamilton venoient de laisser vacante ; ce que nous acceptâmes avec joie.
Ayant appris que les dépêches du gouverneur avoient été portées à bord par le colonel Finch, je demandai au capitaine celles dont je devois être chargé. Il répondit qu'elles avoient été toutes mises dans le sac, et qu'il ne pouvoit l'ouvrir pour le moment ; mais qu'avant d'aborder les côtes d'Angleterre, il me donneroit l'occasion de les retirer. Je fus content de cette réponse, et nous poursuivîmes notre voyage.
Les personnes logées dans la chambre étoient toutes très-sociables ; et nous fûmes parfaitement bien pour les provisions ; parce que nous profitâmes de toutes celles de M. Hamilton, qui en avoit embarqué une grande quantité. Durant la traversée, M. Denham se lia avec moi d'une amitié qui n'a fini qu'avec sa vie. À tout autre égard, le voyage ne fut pas fort agréable, car nous eûmes beaucoup de mauvais temps.
Quand nous entrâmes dans la Tamise, le capitaine fut
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