Vie de Franklin, écrite par lui-même - Tome I
circonstances, l'établissement d'une bibliothèque publique fut un important évènement.
Franklin fut le premier qui le proposa, vers l'année 1731. Cinquante personnes s'empressèrent de souscrire pour quarante schellings chacune, et s'obligèrent en outre, de payer annuellement dix schellings. Peu-à-peu, le nombre des souscripteurs augmenta ; et en 1742, ils formèrent une société, qui prit le titre de Compagnie de la Bibliothèque de Philadelphie.
À l'exemple de cette société, il s'en forma plusieurs autres dans la même ville : mais toutes finirent par se réunir à la première qui, par ce moyen, acquit un surcroît considérable de livres et de revenu. À présent, elle contient environ huit mille volumes sur divers sujets, un assez grand nombre de machines et d'instrumens de physique, et une petite collection d'objets d'histoire naturelle et de productions des arts, indépendamment d'une riche propriété territoriale. La société a fait récemment bâtir dans Fifth-Street, une maison élégante sur le frontispice de laquelle doit être placée la statue, en marbre, de son fondateur, Benjamin Franklin.
Cette société fut extrêmement encouragée par les amis des lettres et de la littérature en Amérique et dans la Grande-Bretagne. La famille du célèbre Penn, se distingua par les dons qu'elle lui fit. On ne doit pas oublier de citer aussi parmi les premiers zélateurs de cette institution, le docteur Peter Collinson, ami et correspondant de Franklin. Non-seulement il fit lui-même à la société des présens considérables, et lui en procura de la part d'autres personnes, mais il se chargea des affaires qu'elle pouvoit avoir à Londres, lui indiquant les bons livres, les achetant et les lui expédiant. Ses connoissances étendues, et son zèle pour les progrès des sciences, le rendoient capable de justifier de la manière la plus avantageuse la confiance que la société avoit en lui.
Il la servit pendant plus de trente années consécutives, et il refusa constamment toute espèce de récompense. Durant ce temps-là, les directeurs étoient exactement instruits par lui, de tous les perfectionnemens et les inventions qui avoient lieu dans les arts, en agriculture et en philosophie.
Les avantages de cette institution furent bientôt évidens. Ils n'étoient point le partage des seuls riches. Le peu qu'il en coûtoit pour devenir membre de la société, la rendit aisément accessible. Les citoyens des classes mitoyennes et même des dernières classes, y furent admis comme les autres. De là s'étendit parmi tous les habitans de Philadelphie, un certain degré d'instruction, qu'on trouve rarement dans les autres villes.
L'exemple fut bientôt suivi. Il s'établit des bibliothèques en différens endroits ; et elles sont maintenant très-multipliées dans les États-Unis, particulièrement en Pensylvanie. On doit même espérer que le nombre en augmentera encore, et que les lumières s'étendront de toutes parts. Ce sera le meilleur garant de notre liberté. Une nation d'hommes éclairés, qui ont appris de bonne heure à connoître et à estimer les droits, que Dieu leur a donnés, ne peut être réduite à l'esclavage. La tyrannie est toujours la compagne de l'ignorance ; mais elle fuit devant le flambeau de l'instruction. Que les Américains encouragent donc les institutions propres à répandre les connoissances parmi le peuple ; et qu'ils n'oublient pas que parmi ces institutions, les bibliothèques publiques ne sont pas les moins importantes.
En 1732, Franklin commença à publier l'Almanach du Bon-homme Richard, ouvrage remarquable par le grand nombre de maximes simples et précieuses, qu'il contient, et qui tendent toutes à faire sentir les avantages de l'industrie et de la frugalité.
Cet almanach parut plusieurs années de suite ; et dans le dernier volume toutes les maximes furent rassemblées dans un discours intitulé : Le Chemin de la Fortune, ou la Science du Bon-homme Richard. Ce morceau a été traduit dans plusieurs langues, et inséré dans divers ouvrages [Il est si intéressant, que nous avons cru devoir le joindre à ce recueil.]. Il a été aussi imprimé sur une grande feuille de papier, et on le voit encadré dans plusieurs maisons de Philadelphie. Il contient peut-être le meilleur systême d'économie-pratique, qui ait jamais paru. Il est écrit d'une manière intelligible pour tout le monde ; et il ne peut manquer de convaincre ceux qui le lisent, de la
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