Vie de Franklin, écrite par lui-même - Tome I
étoit dangereux. Malgré quelqu'opposition, cet acte fut donc révoqué une année après qu'il eut passé, et avant d'avoir été mis à exécution.
En 1766, Franklin voyagea en Hollande et en Allemagne, et il y reçut les plus grandes marques d'attention de la part de tous les savans. Observateur constant, il apprit des matelots, en traversant la Hollande, que l'effet d'une diminution d'eau dans les canaux, étoit de ralentir nécessairement la marche des yachts. À son retour en Angleterre, il fit un grand nombre d'expériences, qui toutes lui confirmèrent cette observation. Il adressa ensuite à sir John Pringle, son ami, une lettre qui contenoit le détail de ces expériences et l'explication du phénomène. Cette lettre se trouve dans le volume de ses œuvres philosophiques.
L'année suivante [En 1767.], il se rendit en France, où il ne fut pas accueilli d'une manière moins distinguée, qu'il ne l'avoit été en Allemagne. Il fut présenté à plusieurs hommes de lettres célèbres, ainsi qu'au monarque qui régnoit alors [Louis XV.].
Il tomba entre les mains de Franklin diverses lettres adressées par Hutchinson, Oliver [Thomas Hutchinson étoit gouverneur de la province de Massachusett, et Andrew Oliver, sous-gouverneur. (Note du Traducteur.)] et quelques autres, à des personnes qui occupoient des places éminentes en Angleterre. Ces lettres contenoient les plus violentes invectives contre les principaux habitans de la province de Massachusett, et invitoient les ministres à employer des moyens vigoureux pour forcer le peuple à leur obéir. Franklin transmit ces lettres à l'assemblée générale de Massachusett, qui les publia. On en fit passer aussi en Angleterre, des copies certifiées, avec une adresse au roi, pour le prier de rappeler des hommes qui étoient devenus odieux au peuple, en se montrant si indignement opposés à ses intérêts.
La publication de ces lettres occasionna un duel entre M. Temple et M. Whately [Les lettres étoient adressées à Thomas Whately, secrétaire de la trésorerie, sous le ministère de G. Grenville, et le duel eut lieu entre William Whately, frère du premier, et John Temple, américain. Ils commencèrent par se battre au pistolet, après quoi ils mirent l'épée à la main. William Whately reçut cinq blessures. (Note du Traducteur.)], qui, tous deux, étoient soupçonnés de les avoir procurées aux Américains. Franklin voulant prévenir de nouvelles querelles à ce sujet, déclara, dans une des gazettes de Londres, qu'il avoit lui-même envoyé les lettres en Amérique, mais qu'il ne diroit jamais de quelle manière il les avoit eues. En effet, on ne l'a jamais découvert.
Bientôt après, l'adresse de l'assemblée de Massachusett fut examinée devant le conseil-privé. Franklin s'y rendit en qualité d'agent de l'assemblée ; et se vit accabler d'un torrent d'injures, par le solliciteur-général, qui servoit de défenseur à Oliver et à Hutchinson.
L'adresse fut déclarée inique et scandaleuse, et la demande qu'elle contenoit, fut rejetée.
Le parlement de la Grande-Bretagne avoit, il est vrai, révoqué l'acte du timbre ; mais c'étoit sous prétexte que la révocation en étoit nécessaire. Il n'en prétendoit pas moins avoir le droit de taxer les colonies ; et dans le même-temps où il révoqua l'acte du timbre, il en promulgua un autre, par lequel il déclaroit que, dans tous les cas, il avoit le droit de faire des loix pour les colonies, et de les contraindre à y obéir. Ce langage étoit celui des membres du parlement les plus opposés à l'acte du timbre, et entr'autres, de M. Pitt.
Les colons ne reconnurent jamais ce droit de contrainte : mais comme ils se flattoient qu'on ne l'exerceroit pas, ils n'étoient pas très-ardens à le combattre. Si les Anglais n'avoient pas eu la prétention de le faire valoir, les Américains auroient volontiers continué à fournir leur part des subsides, de la manière dont ils avoient coutume de le faire ; c'est-à-dire, d'après des décrets de leurs propres assemblées, rendus sur la demande du secrétaire-d'état.
Si cet usage eût été maintenu, les colonies de l'Amérique septentrionale étoient si bien disposées pour la métropole, que malgré les désavantages que leur fesoit éprouver les entraves mises à leur commerce, et toute la faveur accordée à celui des Anglais, une séparation entre les deux pays eût, sans doute, été encore très-éloignée. Les Américains étoient, dès leur
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