Vies des douze Césars
troisième lettre : « Ma chère Livie, j’ai été charmé d’entendre discourir ton petit-fils Tiberius, et je ne reviens pas de ma surprise. Comment peut-il parler aussi distinctement en public, lui qui met si peu de netteté dans ses entretiens ?» (12) On ne peut douter, après cela, de la résolution que prit Auguste : il laissa Claude sans autre dignité que le sacerdoce des augures. Il ne le nomma parmi ses héritiers qu’en troisième ordre, presque parmi les étrangers, et seulement pour le sixième. Enfin il ne lui légua pas au-delà de huit cent mille sesterces.
V. Claude, privé de dignités, vit dans la retraite
(1) Lorsqu’il demanda les honneurs, son oncle Tibère lui accorda les ornements consulaires. Mais, quand il insista pour obtenir le consulat effectif, il se contenta de lui répondre dans un billet : « Je vous envoie quarante pièces d’or pour les Saturnales et pour les Sigillaires. » (2) Alors, renonçant à toute ambition, Claude s’abandonna à l’oisiveté, et vécut caché tantôt dans ses jardins ou dans sa villa suburbaine, tantôt dans sa retraite de Campanie. La société des hommes les plus abjects ajouta à sa bêtise habituelle la passion dégradante pour l’ivrognerie et les jeux de hasard.
VI. On lui rend quelques honneurs
(1) Malgré cette conduite, il fut toujours environné d’hommages et de marques publiques de respect. (2) L’ordre des chevaliers le choisit deux fois pour chef d’une députation ; d’abord, quand ils demandèrent aux consuls l’honneur de porter sur leurs épaules le corps d’Auguste à Rome ; ensuite, quand on félicita les consuls d’avoir fait justice de Séjan. Lorsqu’il arrivait au spectacle, on se levait, et chacun quittait son manteau. (3) Le sénat lui-même voulut l’adjoindre en surnombre, à titre extraordinaire, aux prêtres d’Auguste désignés par le sort. Plus tard il ordonna que sa maison incendiée serait rebâtie aux frais du trésor public, et qu’il aurait droit de voter avec les consulaires. (4) Tibère fit révoquer ce décret, alléguant la stupidité de Claude, et promit de l’indemniser par ses libéralités. (5) Toutefois, en mourant, il le nomma parmi ses héritiers de troisième classe, et lui fit en même temps un legs de deux millions de sesterces. De plus il le recommanda nommément, parmi ses autres parents, aux armées, au sénat et au peuple romain.
VII. Il est fait consul sous Caligula
(1) Enfin, sous Caius, fils de son frère, qui, dans les commencements de son règne, cherchait à se concilier l’estime par toutes sortes de complaisances, il parvint aux honneurs et fut son collègue au consulat pendant deux mois. La première fois qu’il parut au Forum avec les faisceaux, un aigle qui passait vint se percher sur son épaule droite. (2) Le sort lui assigna la quatrième année pour son second consulat. Il présida quelquefois aux spectacles à la place de Caius, aux acclamations du peuple qui souhaitait toutes sortes de prospérités à l’oncle de l’empereur et au frère de Germanicus.
VIII. Il devient le jouet de la cour
(1) Il n’en fut pas moins exposé aux avanies. S’il arrivait trop tard pour souper, on ne le recevait qu’avec peine et après lui avoir fait faire le tour de la table. Toutes les fois qu’il s’endormait après le repas, selon sa coutume, on lui jetait des noyaux d’olives et de dattes, ou bien des bouffons se faisaient un jeu d’interrompre son sommeil avec une férule ou un fouet. (2) Quand il ronflait, ils lui mettaient des chaussures de femme dans les mains, afin qu’il s’en frottât le visage en se réveillant en sursaut.
IX. Ses dangers sous Caligula. Le sénat affecte de le mépriser. Ses biens sont mis en vente
(1) Il fut exposé à plusieurs dangers. (2) D’abord, pendant son consulat, il faillit être destitué pour avoir mis de la négligence à placer et à faire dresser les statues de Néron, et de Drusus, frères de Caius ; ensuite il fut inquiété de mille manières par les délations des étrangers et même des gens de sa maison. (3) Une fois découverte la conjuration de Lepidus et de Gaetulicus, il fut envoyé avec un groupe de légats en Germanie pour féliciter l’empereur ; et là il courut un péril mortel. Caius en effet fut profondément indigné qu’on lui eût spécialement député son oncle, comme s’il s’agissait de régenter un enfant. Quelques auteurs prétendent même qu’on le
Weitere Kostenlose Bücher