Vies des douze Césars
précipita dans le Rhin avec le même vêtement qu’il avait à son arrivée. (4) Depuis lors, il fut toujours le dernier des consulaires à dire son avis dans le sénat, parce que, pour lui faire affront, on ne l’interrogeait qu’après tous les autres. (5) On admit aussi une procédure en faux contre un testament qu’il avait signé. (6) Enfin, obligé de dépenser huit millions de sesterces pour prendre possession d’un nouveau sacerdoce, il tomba dans une telle gêne, que, ne pouvant se libérer envers le trésor du capital qu’il devait, ses biens furent mis en vente, conformément à la loi hypothécaire, et sur la mise à prix des préposés du fisc.
X. Son avènement à l’empire
(1) C’est ainsi qu’il passa la plus grande partie de sa vie, lorsqu’un événement tout à fait extraordinaire le fit arriver à l’empire, dans la cinquantième année de son âge. (2) Au moment où les assassins de Caius écartaient tout le monde, sous prétexte que l’empereur voulait être seul, Claude s’était éloigné comme les autres et retiré dans un cabinet appelé Hermaeum. Bientôt, saisi d’effroi à la nouvelle de ce meurtre, il se traîna jusqu’à une galerie voisine, où il se cacha derrière la tapisserie qui couvrait la porte. (3) Un simple soldat qui courait çà et là, ayant aperçu ses pieds, voulut voir qui il était, le reconnut, le retira de cet endroit ; et tandis que la peur précipitait Claude à ses genoux, il le salua empereur. (4) Puis il le conduisit à ses compagnons qui, encore indécis, ne prenaient conseil que de leur fureur. (5) Ils le mirent dans une litière, et, comme ses esclaves s’étaient enfuis, ils le portèrent tour à tour jusqu’au camp, triste et tremblant. La foule, en accourant au-devant de lui, le plaignait comme un innocent qu’on traînait au supplice. (6) Reçu dans l’enceinte des retranchements, il passa la nuit au milieu des sentinelles, avec plus de confiance que d’espoir ; (7) car les consuls et le sénat s’étaient emparés du Forum et du Capitole avec les cohortes urbaines dans l’intention de rétablir l’ancienne liberté. Appelé à la curie par un tribun du peuple pour opiner sur les circonstances présentes, il répondit qu’il était retenu par la force et par la nécessité. (8) Mais, le lendemain, le sénat, dégoûté de divisions et d’avis contraires, agit avec moins de vigueur. La foule qui l’entourait demandait d’ailleurs à haute voix un seul maître et nommait Claude. Il reçut les serments de l’armée et promit à chaque soldat quinze mille sesterces. C’est le premier des Césars qui ait acheté à prix d’argent la fidélité des légions.
XI. Il accorde une amnistie générale. Il rend de grands honneurs à sa famille
(1) Affermi sur le trône, il n’eut rien de plus pressé que d’ensevelir dans l’oubli tout ce qui s’était passé pendant les deux jours où il avait été question de changer la forme de l’État. (2) Il publia donc à ce sujet une amnistie générale, et il ne s’en départit point. Il se contenta de faire périr quelques tribuns et quelques centurions qui avaient trempé dans la conjuration contre Caius, tant pour l’exemple, que parce qu’il savait qu’ils avaient aussi demandé sa mort. (3) Il donna beaucoup de marques de piété envers ses proches. Son serment le plus fréquent et le plus saint était par le nom d’Auguste. (4) Il fit décerner à son aïeule Livie des honneurs divins et un char attelé d’éléphants dans la marche triomphale du cirque, comme celui d’Auguste ; à ses parents, des cérémonies funèbres ; à son père, des jeux annuels dans le cirque en l’honneur de sa naissance ; à sa mère, un char qui devait être promené dans le cirque, et le surnom d’Augusta qu’elle avait refusé de son vivant. (5) Saisissant toutes les occasions d’honorer la mémoire de son frère, il fit représenter à Naples une comédie grecque qu’il couronna d’après l’avis des juges. (6) Marc-Antoine lui-même ne fut pas oublié. Il en fit mention avec reconnaissance, témoignant par un édit qu’il souhaitait d’autant plus qu’on célébrât l’anniversaire de la naissance de Drusus, que c’était le même que celui de son aïeul Antoine. (7) Il acheva l’arc de triomphe en marbre que le sénat avait voulu faire élever à Tibère auprès du théâtre de Pompée, et qu’il avait négligé d’exécuter. (8) Il cassa tous les actes de
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