Vies des douze Césars
habits et fit voir qu’il n’avait aucune blessure. (8) On remarqua aussi, entre autres actes extraordinaires de sa censure, qu’il fit acheter et briser en public un chariot d’argent d’une magnifique construction, que l’on avait mis en vente dans le quartier des Sigillaires. Dans un seul jour il publia vingt édits, parmi lesquels il s’en trouvait un qui conseillait de bien enduire de poix les tonneaux parce que la vendange devait être abondante, et un autre qui indiquait le suc des ifs comme un remède souverain contre la morsure des vipères.
XVII. Son expédition en Bretagne. Son triomphe
(1) Il ne fit qu’une seule expédition militaire, et elle fut peu considérable. (2) Le sénat lui avait décerné les ornements du triomphe. Mais, trouvant que c’était trop peu pour la majesté de son rang, il voulut un triomphe complet, et choisit pour le champ de ses exploits la Bretagne, qui n’avait pas été attaquée depuis Jules César, et qui se soulevait à l’occasion de quelques transfuges qu’on n’avait pas rendus. (3) Il s’embarqua à Ostie ; mais il faillit être deux fois submergé par un vent impétueux sur la côte de Ligurie, et près des îles Stœchades. (4) Aussi vint-il par terre de Marseille à Gésoriacum où il opéra son passage. Là, sans combat et sans effusion de sang, il reçut en très peu de jours la soumission de l’île, revint à Rome six mois après son départ, et triompha avec le plus grand appareil. (5) Il permit aux gouverneurs de provinces, et même à quelques exilés, de venir à Rome jouir de ce spectacle, et plaça sur le faîte du palais, parmi les dépouilles de l’ennemi, une couronne navale à côté de la couronne civique, comme un monument de son trajet et, pour ainsi dire, de sa victoire sur l’océan. (6) Sa femme Messaline accompagna dans une voiture le char du vainqueur. Plusieurs Romains, qui avaient mérité dans cette guerre les ornements du triomphe, le suivaient à pied, couverts d’une robe prétexte. M. Crassus Frugi, qui obtenait cet honneur pour la seconde fois, montait un cheval caparaçonné et portait un vêtement brodé de palmes.
XVIII. Sa vigilance pour le ravitaillement et la sûreté de Rome
(1) Claude s’occupa avec une extrême sollicitude de Rome et de son ravitaillement. (2) Dans l’incendie du quartier Émilien, où le feu étendait partout ses ravages, il passa deux nuits dans le « diribitorium », et, comme les soldats et les esclaves succombaient de fatigue, il fit appeler par les magistrats le peuple de tous les quartiers ; puis, mettant devant lui des corbeilles remplies d’argent, il excitait chacun à porter du secours, et distribuait des récompenses proportionnées au travail. (3) Le grain devenant plus cher après plusieurs années de stérilité, il fut un jour arrêté au milieu du Forum par la foule qui l’accablait d’injures et lui jetait des morceaux de pain, en sorte qu’il lui fut difficile de se sauver dans son palais par une porte dérobée. Depuis ce temps, il ne négligea rien pour faire venir des vivres à Rome, même en hiver, (4) offrant aux négociants des bénéfices certains, et se chargeant des dommages, dans le cas où les tempêtes en causeraient. Il fit aussi de grands avantages à ceux qui construisaient des navires pour le commerce des grains, et il mesurait ces avantages à la condition de chacun.
XIX. Suite
Il affranchissait les citoyens des dispositions de la loi Papia Poppaea ; il accordait aux Latins le droit des Quirites, et aux femmes les privilèges des mères qui avaient quatre enfants. Ces ordonnances subsistent encore aujourd’hui.
XX. Ses travaux
(1) En fait de travaux publics, il s’attacha moins à en exécuter un grand nombre qu’à entreprendre ceux qui étaient nécessaires. Parmi les principaux on compte l’aqueduc commencé par Caius, le canal d’écoulement du lac Fucin et le port d’Ostie. Il savait qu’Auguste avait refusé obstinément aux Marses le dernier de ces ouvrages, et que Jules César avait souvent projeté, mais toujours remis l’autre, à cause des difficultés de l’exécution. (2) Il conduisit à Rome les eaux fraîches et abondantes qui portent le nom de Claudius, et dont les sources s’appellent, l’une « Azurée », les autres « Curtius » et « Albudignus », ainsi qu’une dérivation de l’Anio au moyen d’un nouvel aqueduc en pierre, et il les distribua dans de nombreux et magnifiques
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