Vies des douze Césars
lui demanda s’il sentait mauvais. Titus lui ayant -répondu que non : « C’est pourtant de l’urine », dit Vespasien. (6) Des députés vinrent lui annoncer qu’on lui avait décerné une statue colossale d’un prix considérable : « Placez-la donc tout de suite, dit-il, en montrant le creux de sa main ; le piédestal est tout prêt. » (7) Ni le danger, ni la crainte de la mort ne l’empêchaient de plaisanter. (8) On disait qu’entre autres prodiges, le mausolée des Césars s’était tout à coup ouvert, et qu’une comète avait paru au ciel. Il prétendit que le premier de ces prodiges regardait Junia Calvina, qui était de la famille d’Auguste, et que le second regardait le roi des Parthes qui était chevelu. Dès le commencement de sa maladie, il se mit à dire : « Je crois que je deviens dieu ».
XXIV. Sa dernière maladie et sa mort. Son plus beau mot
(1) Pendant son neuvième consulat, il ressentit, en Campanie, de légères atteintes de fièvre. Il revint aussitôt à Rome, et se rendit à Cutilies et à Réate, où il avait coutume de passer tous les étés. (2) Le mal augmenta par le fréquent usage de l’eau fraîche qui avait affaibli ses entrailles. Il n’en vaquait pas moins aux soins de son empire, et donnait même des audiences dans son lit. Mais, saisi tout à coup d’une diarrhée qui l’épuisait : « Il faut, dit-il, qu’un empereur meure debout » et, tandis qu’il faisait un effort pour se lever, il expira entre les bras de ceux qui l’assistaient, le neuvième jour avant les calendes de juillet, âgé de soixante-neuf ans, un mois et sept jours.
XXV. Sa confiance dans la destinée promise à ses fils et à lui
(1) Tout le monde convient qu’il était tellement sûr de son horoscope et de celui de ses enfants, que, malgré de fréquentes conspirations contre lui, il osa déclarer au sénat que ses fils lui succèderaient ou personne. (2) On dit aussi qu’il vit en songe une balance placée au milieu du vestibule de son palais, dans un parfait équilibre, portant dans l’un des bassins Claude et Néron, et dans l’autre lui et ses fils. Ce rêve ne fut point trompeur, car, de part et d’autre, la somme des années et la durée des règnes furent égales.
XI.
Vie de Titus
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Traduction française de M.Cabaret-Dupaty, Paris, 1893, avec quelques adaptations de J. Poucet, Louvain, 2001
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I. Naissance de Titus
Titus, qui s’appelait Vespasien comme son père, fut l’amour et les délices du genre humain : tant il sut se concilier la bienveillance universelle, ou par son caractère, ou par son adresse, ou par son bonheur. Ce qu’il y a de plus étonnant, c’est que ce prince, adoré sur le trône, fut en butte au blâme public, et même à la haine, étant simple particulier et pendant le règne de son père. Il naquit le troisième jour avant les calendes de janvier, l’année devenue célèbre par la mort de Caius, dans une petite chambre obscure qui faisait partie d’une chétive maison attenant au Septizonium. Ce réduit n’a pas changé, et on le montre encore.
II. Son intimité avec Britannicus. Il rend de grands honneurs à sa mémoire
(1) Élevé à la cour avec Britannicus, il eut la même éducation et les mêmes maîtres. (2) On assure qu’à cette époque, Narcisse, affranchi de Claude, avait fait venir un devin pour tirer l’horoscope de Britannicus par l’inspection des traits du visage, et que le devin avait constamment affirmé que jamais ce jeune régnerait, mais que Titus, qui était alors auprès de lui, serait certainement élevé à l’empire. (3) Titus et Britannicus étaient si intimement unis, qu’on croit que le premier goûta le breuvage dont le second mourut, et qu’il en fut longtemps et dangereusement malade. (4) Plein de ces souvenirs, quand il fut empereur, Titus lui érigea une statue d’or dans son palais, et lui consacra une statue équestre en ivoire, que l’on promène encore aujourd’hui dans les cérémonies du cirque.
III. Ses qualités et ses talents
(1) Les qualités du corps et de l’esprit brillèrent en lui dès son enfance, et se développèrent à mesure qu’il avança en âge. Il avait une belle figure qui réunissait la grâce et la majesté ; une force remarquable, quoiqu’il ne fût pas de haute taille et qu’il eût le ventre un peu gros ; une mémoire extraordinaire, et une
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