Vies des douze Césars
avaient d’agréable ou de défectueux. (6) Il répudia quelques femmes au nom de leurs maris absents, et fit insérer ces divorces dans les registres publics.
XXXVII. Ses prodigalités
(1) Il surpassa en prodigalités tout ce qu’on avait vu jusqu’à lui. Inventeur de nouveaux bains, ainsi que de repas et de mets extraordinaires, il se faisait parfumer d’essences chaudes et froides, avalait les perles les plus précieuses après les avoir dissoutes dans le vinaigre, et servait à ses convives des pains et des viandes en or. Il avait souvent à la bouche cet adage : « Il faut être économe, ou vivre en César. » (2) Pendant plusieurs jours, du haut de la basilique Julia, il jeta au peuple une somme considérable de monnaies. (3) Il fabriqua des galères liburniennes à dix rangs de rames. Les poupes étaient garnies de pierreries, et les voiles enrichies de diverses couleurs. On y voyait des bains, des galeries et des salles à manger d’une large dimension, des vignes et des arbres fruitiers de toute espèce. C’était sur ces navires qu’il parcourait les côtes de la Campanie, assis à table au milieu des danses et du son des instruments. (4) Dans la construction de ses palais et de ses villas, il ne tenait pas compte des règles de l’art, et ne souhaitait rien tant que d’exécuter ce qui paraissait impraticable. (5) En conséquence, il jetait des digues dans une mer orageuse et profonde, taillait les rochers les plus durs, élevait des plaines à la hauteur des collines, et abaissait des montagnes au niveau du sol, avec une incroyable célérité, car le moindre retard était puni de mort. (6) En un mot, il épuisa en moins d’un an tous les trésors de Tibère, qui montaient à deux milliards sept cent millions de sesterces.
XXXVIII. Ses exactions
(1) Quand il se vit dans la disette et l’indigence, il eut recours aux rapines et imagina un nouveau genre de chicanes, d’enchères et d’impôts. (2) Il contesta le droit de cité aux descendants de ceux qui l’avaient obtenu pour eux et leur postérité, à moins qu’ils n’en fussent les fils, parce que le mot « posteri » ne s’étendait pas au-delà de la première génération. Il annulait, comme vieux et surannés, les titres émanés de Jules César et d’Auguste. (3) Ceux dont la fortune s’était accrue d’une manière quelconque étaient accusés d’avoir faussement indiqué le cens. (4) Il cassa, comme ingrats, les testaments des centurions primipilaires qui, depuis le commencement du règne de Tibère, n’avaient institué héritiers ni ce prince ni lui-même. Il suffisait, pour qu’il rescindât ceux des autres citoyens, que quelqu’un assurât qu’ils avaient eu dessein d’appeler César à leur succession. (5) L’alarme qu’il répandit fit que des inconnus l’inscrivirent publiquement, comme héritier, au nombre de leurs amis, et des parents au nombre de leurs enfants. Alors il les traitait de mauvais plaisants qui s’obstinaient à vivre encore après leur déclaration, et il y en eut beaucoup auxquels il envoya des friandises empoisonnées. (6) Il ne jugeait les causes qu’après avoir fixé le prix du jugement, et il levait l’audience quand il l’avait reçu. (7) Impatient au dernier point, un jour il condamna par un même arrêt plus de quarante accusés poursuivis pour divers crimes, et, au réveil de Césonia, il se vanta du grand travail qu’il avait fait pendant sa méridienne. (8) Il soumit et fit vendre, à une enchère qu’il avait annoncée, tout ce qui lui restait de l’appareil des spectacles, fixant lui-même les prix, et poussant tellement les mises, que quelques citoyens, forcés d’acheter à un taux immense, et se voyant dépouillés de leurs biens, s’ouvrirent les veines. (9) On sait qu’Aponius Saturninus s’étant endormi sur un banc, Caius avertit le crieur de ne pas oublier cet ancien préteur qui, par ses fréquents mouvements de tête, paraissait faire des signes affirmatifs. On ne finit l’enchère que lorsque treize gladiateurs lui eurent été adjugés à son insu, et pour neuf millions de sesterces.
XXXIX. Ses exactions
(1) Lorsque Caius eut vendu dans la Gaule, et pour des prix énormes, les bijoux, les meubles, les esclaves et les affranchis des condamnés, séduit par l’appât du gain, il fit venir de Rome tout le mobilier de la vieille cour. Il s’empara, pour l’y conduire, de voitures de louage et de chevaux de meunier, en sorte que le
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